En attendant la réforme de l’enseignement religieux

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ChroniqueCe n’est pas seulement l’arabisation qui a tué l’école publique au Maroc, mais aussi la qualité et la nature de l’enseignement religieux dispensé à nos enfants.

Le 05/03/2016 à 19h07

Depuis les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, on nous dit que la réforme du champ religieux est une priorité au Maroc. Priorité, vraiment ?

Nous avons eu droit à un discours rassurant, qui fait la promotion d’un islam «marocain», que l’on voudrait tolérant et ouvert. Ce discours officiel a été tellement servi que l’on ne comprend plus très bien, aujourd’hui, la signification des vocables «tolérant» et «ouvert».

Il faut quand même rappeler que la tolérance et l’ouverture sont des vertus. Elles ne vont pas de soi et ne sont pas innées. Ce sont des objectifs, des idéaux. Nous ne pouvons pas les atteindre en claquant des doigts, mais en semant les bonnes graines, comme on le ferait pour faire pousser un arbre, une belle plante.

Maintenant, derrière le discours et concrètement, nous avons surtout assisté à la traque des imams aux prêches violents. Quand un imam va trop loin, on le rappelle à l’ordre. Point à la ligne. La réforme tant attendue s’est limitée à une chasse aux sorcières. Elle ne s’est attaquée qu’à la partie visible de l’iceberg, le haut du panier, les bourgeons qui poussent ici et là. Elle ne s’est pas attaquée aux racines du mal et s’est transformée, peu à peu, en verrouillage sécuritaire. Un tour de vis. Un tour de vis de plus pour couper les têtes qui dépassent.

Le travail qui a été fait avec le champ religieux ressemble ainsi à l’intervention des pompiers devant un incendie. Que font les pompiers ? Ils éteignent le feu et retournent à leur caserne, en attendant la déclaration d’autres incendies. Mais ils laissent le champ libre, entre-temps, au génie civil qui détecte l’origine du mal et tente d’y remédier.

La réforme du champ religieux a besoin aujourd’hui de ce «génie civil» pour s’attaquer à la racine du mal. Cette racine s’appelle l’enseignement de la matière religieuse. Et la base de la base s’appelle l’éducation islamique, c’est-à-dire la religion telle qu’elle est enseignée aux enfants dans tous les circuits de l’école publique.

Cet enseignement est catastrophique. Il contredit fondamentalement les valeurs d’ouverture et tolérance que l’on voudrait pour «notre» islam. Il contredit gravement tout le discours sur le respect des religions et des croyances tel que le stipule pourtant la Constitution marocaine. Et il ouvre la voie clairement au fanatisme et au wahhabisme.

Il suffit de jeter un œil sur un manuel d’éducation islamique pour constater les dégâts. 

Pour réformer le champ religieux et faire la promotion d’un islam marocain réellement ouvert et tolérant, et pas seulement en théorie, il faut s’attaquer à cet enseignement. Ce lavage de cerveau qui diabolise l’autre ne prépare en rien à l’émergence d’un esprit ouvert et tolérant. Au contraire, il offre toutes les garanties pour le développement d’un esprit intolérant et fermé. 

Ce n’est pas seulement l’arabisation qui a tué l’école publique au Maroc, mais aussi la qualité et la nature de l’enseignement religieux dispensé à nos enfants.

Par Karim Boukhari
Le 05/03/2016 à 19h07