Au moment où le Covid-19 joue les prolongations et refuse de partir, l’Etat marocain a décidé de regrouper les derniers cas actifs dans deux villes. Benslimane et Benguérir. Les habitants de ces deux localités ne vont pas crier de joie. Ils vont dire «pourquoi nous, pourquoi pas les autres, qu’est-ce que qu’on a fait au bon dieu pour hériter de tout ça?». Je me pose la même question. Je plains ces gens.
Et comme le gouvernement n’a rien expliqué, je justifie le choix de ces deux villes comme je l’entends. A mon avis, donc, le choix s’est porté sur Benslimane parce que son microclimat est sans pareil, c’est la ville «verte» du Maroc. Proche de Rabat, elle peut drainer tous les malades du nord du pays.
Et Benguérir, alors, me diriez-vous? Je ne sais pas. A moins que ce ne soit pour les équipements dont dispose cette ville en pleine expansion. Et puis elle est à mi-distance de Casablanca et Marrakech et peut drainer la population malade du sud du pays.
Sans oublier que Benslimane et Benguérir sont deux localités qui se prêtent plus facilement à un rapide déploiement militaire et paramilitaire, au cas où... Leur histoire et leur vécu plaident pour cela.
Voilà pour le choix des deux villes, que personne n’a pris la peine de nous expliquer vraiment.
Passons à présent à l’essentiel, qui n’a pas été expliqué non plus. Pas clairement. Et cet essentiel, le voilà: le Maroc regroupe les malades pour permettre aux structures de soin dans le reste du pays de reprendre une activité à peu près normale, loin du Covid-19.
C’est un juste retour des choses. Et il était tant espéré, tant attendu.
Depuis le mois de mars, le Covid-19 nous a tout pris. Surtout nos cliniques et nos hôpitaux, qui étaient littéralement réquisitionnés. Au point qu’il valait mieux, ou presque, être malade du coronavirus que d’autre chose.
Les cabinets fermaient, les interventions chirurgicales se raréfiaient, les rendez-vous étaient repoussés, les consultations annulées, plusieurs spécialités fermaient ou prenaient congé. En dehors des services des urgences, les malades «normaux» (non Covid-19) étaient renvoyés chez eux.
Les hôpitaux, pour reprendre l’expression d’un ami médecin, étaient confinés. A leur manière, bien sûr. Ils attendaient de recevoir les «nouveaux» malades, ceux du Covid-19… Vidés de leurs occupants, les services tournaient au ralenti. Même les médecins et le reste du personnel soignant ne savaient plus quoi faire.
Une drôle de situation. Les capacités du système de santé marocain étant extrêmement limitées, la panique initiale a fait que tous les efforts se sont concentrés sur le Covid-19. On a renvoyé le reste des malades chez eux. On leur a dit d’attendre. Les malades chroniques, les diabétiques, les cardiaques, les bronchitiques, les femmes enceintes, les malades en psychothérapie, ceux qui ont une dent à arracher ou à réparer…
Tout ce beau monde devait attendre. Revenez plus tard. Gardez vos maladies pour vous et dites-leur d’attendre elles aussi.
Pendant trois ou quatre mois, le Maroc s’est retrouvé avec des hôpitaux vides et des malades renvoyés chez eux. Absurde. Un gâchis. Nous avons oublié qu’il y avait d’autres malades que ceux du Covid-19 dans ce pays. Nous avons ouvert cette parenthèse de l’oubli… et oublié de la refermer.
Il faut donc voir la création des deux centres de Benslimane et Benguérir comme une tentative de réparer, enfin, cet oubli. L’idée est de confiner les malades pour libérer le reste du pays. Qu’est-ce qu’on dit, alors? Merci Benslimane, merci Benguérir.