Même si le terrorisme n’est pas une nouveauté au Maroc, la tuerie d’Imlil nous apporte un élément nouveau. Cette fois, les terroristes n’ont pas choisi de se donner la mort. Ce ne sont pas des kamikazes qui tuent en se tuant, mais des tueurs de sang froid.
La violence est bien sûr la même, mais le message n’est pas le même. Si le kamikaze transmet avant tout un message de désespoir, le tueur transmet d’abord un message de haine.
Il faut prendre cela en compte parce que c’est un tournant, peut-être, dans l’expression du terrorisme au Maroc. Du point de vue des extrémistes, l’acte d’Imlil n’est pas un sacrifice (chahada), mais une «ghazwa», l’équivalent d’un acte de guerre, voire de conquête.
En parlant de guerre, les terroristes d’Imlil ont réussi une autre première. Ils ont ouvert un autre front: le rural, la campagne, loin des grands centres urbains, loin des lumières. Cela aussi mérite d’être pris en compte parce cela inaugure, peut-être, d’un changement de stratégie dans le déploiement de l’horreur. Le terrorisme cherche à élargir le champ de bataille, à «concerner» un autre Maroc que celui des grands centres urbains.
Pour ce qui est du mode opératoire, et c’est là une autre première, peut-être la plus spectaculaire, les terroristes ont choisi de mettre en scène leur forfait. Même si l’habillage reste rudimentaire, le «style» rappelle directement Daech, dont les tueurs se réclament d’ailleurs dans une deuxième vidéo en circulation.
Il ne s’agit plus de tuer mais de donner à voir. Pour ses auteurs, le crime devient une victoire et la diffusion du film à grande échelle équivaut à une célébration. C’est presque un outil de propagande. On sait, par exemple, que Daech met en ligne ce genre de «film» pour attirer les esprits malades tentés de la rejoindre.
Ceux qui ont vu la vidéo d’Imlil, et ils sont nombreux, sont encore sous le choc et le resteront longtemps. Il est très dur d’imaginer des êtres humains aller aussi loin dans la barbarie. Et le pouvoir de l’image est tel que le plus dur est de regarder cela sans pour pouvoir le changer.
Un cauchemar. Une vision de l’enfer. Une ignominie.
La dimension «c’est arrivé près de chez vous… Cela a été perpétré par des comme vous…» rajoute au choc initial quelque chose qui ressemble au désarroi. Quelqu’un m’a dit: «Je ne sais pas quoi dire… Quoi faire… Quoi penser… J’ai honte… De nous… De moi».
La colère, le choc, le désarroi, la honte… tout cela ne doit pas nous aveugler. Il faut rester vigilant et lucide face au terrorisme qui, on vient de le voir, est peut-être en train de se déployer sous de nouvelles formes. Mais il faut également faire attention à la manière dont ce mal doit être combattu.
Ceux qui ont une voix qui porte doivent appeler au calme et à la raison. Ils doivent prendre le risque de déplaire à cette majorité qui crie aujourd’hui au lynchage (des terroristes), à la vengeance, à l’application de la peine de mort, à la légitimation de la torture, etc.
Leur devoir et notre devoir est de dire à ces gens, qui sont en désarroi, que la barbarie ne doit jamais tuer l’humain en nous.
La loi du talion? Non, non, jamais!