Qu’est-ce qu’un imam ? Sur le papier, et selon la définition la plus basique, c’est la personne qui dirige la prière. Mais l’imam est évidemment plus que cela, beaucoup plus.
En réalité, l’imam occupe une place centrale dans la société marocaine. Cette place déborde constamment de son cadre initial, qui est d’initier et de conduire la prière, pour s’élever en une sorte de piédestal: l’imam est un guide à la fois spirituel et pratique pour la communauté.
Il a réponse à tout. Il parle de tout. Il a aussi un avis sur tout. Même sur l’actualité politique. Même sur des questions aussi personnelles comme l’hygiène corporelle ou la validation du choix du gendre idéal. Dans une société peu alphabétisée, et dans le même temps très religieuse, l’imam est un repère important.
Il est cet indispensable lien social, cet accompagnateur, cette boussole. Il explique, il conseille, il encadre, il oriente. Et surtout il est très écouté. Suivi et écouté.
Au départ simple relayeur des préceptes et des rites religieux, l’imam devient ainsi un leader d’opinion. Un leader à sa manière. L’émission de fatwas et de prêches généralistes renforce d’ailleurs ce rôle et fait de l’imam un véritable producteur d’édits, de recommandations et de prescriptions.
Nous arrivons à l’idée-clé : dans une société comme la nôtre, l’imam est un prescripteur, un authentique prescripteur. Il agit sur les esprits comme les médecins le font sur le corps humain : avec autorité.
Au Maroc, nous avons près de 50 000 prescripteurs de ce genre. Ils règnent en maitres sur ces véritables écoles de la vie que sont les mosquées. Nous ne parlons pas d’une poignée d’individus mais d’une communauté, une très grande communauté.
Par rapport aux autres «influenceurs» de la société marocaine, les imams arrivent largement en tête: ils sont beaucoup plus nombreux que les leaders ou relayeurs traditionnels que sont les enseignants chercheurs, les maitres d’école ou, dans un autre genre, les journalistes. Ces «soigneurs des âmes» sont presque trois fois plus nombreux que les médecins (20 000, selon les dernières statistiques).
Le Maroc produit tellement d’imams qu’il en exporte, généralement vers les pays européens à forte immigration marocaine.
Ce n’est donc pas un hasard si la réforme du champ religieux, qui a pris une nouvelle dimension ces dernières années, a fait de la formation et de l’encadrement des imams un véritable levier de développement social. Au Maroc, jusqu’à une époque très récente, près de quatre imams sur cinq avaient appris «le métier» sur le tas, sans encadrement aucun.
Ils étaient lâchés sans bride, à peu près libres d’encadrer leur « peuple » comme bon leur semble. Ce qui était aussi suicidaire que d’accorder des autorisations d’exercer à des chirurgiens sans aucun diplôme de médecine…
La sécurité spirituelle dont on parle en ce moment passe, en bonne partie, par la reprise en main de la formation et de l’encadrement des premiers prescripteurs du pays : les imams, donc. Le contrôle des fatwas est une deuxième étape, un deuxième élément de très grande importance.
Le chantier est vaste, mais il est aussi vital que la lutte contre le chômage, la corruption ou la mortalité infantile. A bon entendeur!