A l’école, on demande toujours aux enfants, surtout au moment de la rentrée scolaire, quand il s’agit de faire connaissance et de briser la glace: «Et toi, mon petit, que veux-tu devenir plus tard, quand tu seras grand?».
Il y aura forcément quelqu’un pour répondre: «M’sieur, m’sieur, je veux être ministre!». Ministre de quoi, mon petit? Pas de réponse. Le petit ne sait pas.
Si le petit est le plus malin de la classe, il pourra toujours dire: «Ministre des enfants, m’sieur!». Pourquoi faire, petit malin? Pour devenir tout de suite grand, m’sieur!
Bien sûr, si on s’amusait à expliquer aux enfants qu’un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne, que c’est d’abord quelqu’un qui apporte quelque chose à la collectivité, et surtout qu’il n’est nul besoin d’être ministre pour devenir riche, puissant (et pour grandir plus vite que les autres!), les «petits» moduleraient leurs réponses et proposeraient d’autres rêves, peut-être plus fous encore, comme celui de s’éclater dans la vie ou d’inventer le fil à couper le beurre.
Au moment où le Maroc s’apprête à annoncer la composition de son nouveau gouvernement, beaucoup parmi nous se retrouvent dans la peau de ces «petits». Ils sont dans la confusion, dans l’hystérie. C’est humain, trop humain. Ils ont tant d’espoirs, d’attentes, de vœux.
Et ils reportent tout cela, toute cette montagne, sur les épaules du prochain ministre.
Ils rêvent d’un ministre qui leur signe tout de suite des chèques en blanc pour leur faciliter la vie et transformer leurs galères personnelles en parties de plaisir. Ils attendent que ce ministre apporte la providence, le miracle, le salut éternel.
Ils veulent un ministre qui se dédouble et se démultiplie. Un contorsionniste qui apporte toutes les solutions, quitte à adopter des positions contradictoires.
Ils veulent qu’il exonère des impôts, qu’il signe des amnisties fiscales, qu’il prenne en charge la masse salariale de l’entreprise, qu’il vienne en aide au secteur privé, qu’il réhabilite le secteur public, qu’il subventionne le chômage et la maladie, qu’il augmente le SMIG et les opportunités d’emploi, qu’il soutienne les pauvres sans toucher aux riches, etc.
En un mot: un superman. Ou, pour revenir dans le langage des «petits», un Aladdin avec sa lampe merveilleuse. Soudain, comme par magie, le génie apparaitra, alors tout deviendra possible.
Que veux-tu, mon seigneur? Mais tout, absolument tout et tout de suite!
Inutile de vous dire ce que l’auteur de ces lignes attend de son futur ministre. Mais tout, absolument. Et plus encore. Oui, m’sieur!