Pute, jusqu’à preuve du contraire!

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ChroniqueQue vient-elle faire, seule, le soir, dans un hôtel? Que vient-elle chercher? Les questions que se pose l’hôtelier renvoient invariablement à la même réponse: sexe, sexe, sexe! Et qui dit sexe, dit problèmes en cascade.

Le 20/11/2021 à 09h00

Une jeune femme, qui attend d’emménager dans un nouvel appartement, décide de passer une nuit ou plusieurs à l’hôtel. Cela se passe à Casablanca. La jeune femme choisit un hôtel de luxe et présente une carte d’identité. On lui dit non, désolée, vous ne pouvez pas prendre une chambre chez nous. Pourquoi? Parce qu’elle est «non accompagnée» et que sa CIN indique qu’elle vit à Casablanca.

Que vient faire une Casablancaise seule, le soir, dans un hôtel à Casablanca? Que vient-elle chercher? Les questions que se pose l’hôtelier renvoient invariablement à la même réponse: sexe, sexe, sexe! Et qui dit sexe, dit problèmes en cascade.

Mettez-vous à sa place, le pauvre. Il ne veut pas que la police vienne contrôler les CIN et le presse de questions autour de cette femme, casablancaise et seule. Il ne veut pas de problème. Il sait que, généralement, quand un homme et une femme veulent se retrouver dans le même lit à l’hôtel, ils prennent deux chambres séparées, et pas au même moment, pour (soi-disant) éviter les soupçons.

Il connait la musique, cette musique. Alors non!

Il estime, par paresse, que la femme devant lui est une prostituée. Une pute. Voyons, une Casablancaise seule, qui veut passer la nuit à l’hôtel, ne peut être que pute. Et nous savons tous cela, se dit-il pour se rassurer, même si ce n’est écrit nulle part.

Une pute ou une presque pute. Parce que c’est la même chose. Si ce n’est pas une pute, elle veut du sexe. Et même si rien de tout cela, elle pourrait aguicher des clients ou créer, «inventer» des problèmes. Les femmes seules sont connues pour cela, nous le savons bien. Donc non!

Pour calmer la jeune femme, il lui explique que «c’est la loi». Mensonge. Aucune loi, aucune circulaire n’interdit à une femme seule de prendre une chambre à l’hôtel, quelle que soit sa ville de résidence.

Alors quoi? Qu’est-ce qu’on fait? De quoi on parlait, déjà? Pardon?

Cette affaire a été relayée par le collectif Hors-la-loi, qui milite pour l’abrogation de l’article 490, criminalisant les relations sexuelles hors-mariage. Et heureusement qu’elle a été relayée, même si elle n’est pas unique en son genre.

Qu’elle soit célibataire ou mariée, une femme qui demande une chambre d’hôtel est toujours vue «d’un demi-œil», surtout quand elle habite dans la même ville (que l’établissement hôtelier). On vérifie et revérifie son identité, on la «ratisse» comme un champ de mines. Et même quand on lui dit oui, on la surveille comme le lait sur le feu.

Elle est coupable jusqu’à preuve du contraire. Coupable de chercher du sexe et/ou des problèmes. Avec les clients, avec la police, etc. Une femme seule est un problème ambulant. Donc, on lui ferme la porte au nez, il vaut mieux, et en prétextant n’importe quoi. Elle ne pourra rien dire. Et si elle proteste, personne ne l’écoutera.

D’ailleurs, d’ailleurs, même si elle a l’air sérieuse et ne cherche pas le sexe, c’est peut-être une femme qui a fui son mari. Et ce mari risque de se pointer à tout moment pour faire un scandale à l’hôtel. Voyons, c’est peut-être aussi une femme qui fugue et qui est actuellement recherchée par ses parents, par la police, par son petit copain éméché et rageux…

Voila mes amis, j’arrête là. L’affaire relatée plus haut, qui est tout sauf un cas isolé, est une honte. Il faut en parler au ministre de la Justice, il faut abroger la loi 490 et d’autres lois encore.

Il faut surtout réformer, et fissa, ces petites mentalités dont les réflexes et les tics sont à vomir. Que dire d’autre?

Par Karim Boukhari
Le 20/11/2021 à 09h00