Je ne suis pas fan des débats télévisés. Parce qu’ils impliquent une idée qui me met tout de suite mal à l’aise: celle de devoir plaire à tout le monde. Le chemin qui mène vers ce noble objectif passe par de vilains virages.
Comme celui de devoir adoucir sa pensée, voire de la travestir et de se retrouver, au final, comme dans une pièce de théâtre à jouer le rôle d’un autre.
Rester soi-même, dans ces conditions, est mission impossible. Parce que contre-productif.
Votre pensée, ce que vous avez à dire, deviennent un élément dans le décor. Un élément parmi d’autres. Vous serez beaucoup jugé sur la couleur de votre chemise ou la portée de votre sourire. Il n’y aura que peu de place pour vos mots, que vous serez appelé à soigner et à maquiller comme une mariée.
Le débat télévisé, et le débat public plus en général, sont une sorte de divertissement. Ils ressemblent aussi à une arène ou à un ring de boxe. A un moment donné, il faut que le sang coule. Et à la fin, le public choisit ou vote pour le «vainqueur», qui lève le bras comme un glaive tâché de sang.
Faites un test autour de vous. Réunissez une bande d’inconnus mais représentatifs de la diversité culturelle et idéologique dans laquelle nous vivons, et essayez de les convaincre en exprimant le fond de votre pensée. Ne faites pas de la communication, dites simplement ce que vous avez sur le cœur sans chercher à plaire, restez sincères de bout en bout et vous verrez: au mieux on rira de vous. On vous jettera peut-être une tomate à la figure.
La vérité, c’est que beaucoup font ces tests tous les jours à travers les réseaux sociaux. Ils finissent par faire moins attention à ce qu’ils disent qu’au nombre de mentions «J’aime» récoltés en bas de page. Ils sont en campagne.
En parlant de campagne, j’ai regretté d’avoir suivi, par bribes, le débat des présidentielles françaises. Les candidats de gauche ont essayé de vendre des idées de droite, les autres ont emprunté le chemin inverse, et à la fin j’avais l’impression que tout le monde chantait le même refrain: ni gauche, ni droite, bien au contraire!
Pour résumer le problème, je vais utiliser une maxime vieille comme le monde: à force de tout vouloir être à la fois, on finit par ne ressembler à rien. Et ce problème n’est pas seulement français. Il est, dieu merci, «international».
Au Maroc, et même si le débat n’est pas une tradition, nous nous retrouvons de plus en plus devant ce genre de situation: avec des conservateurs qui prêchent la tolérance sans savoir de quoi il retourne et des progressistes qui nous rappellent le référentiel religieux des Marocains dans chaque phrase.
Et à la fin, nous n’avons pas affaire à un débat d’idées mais à un divertissement, un combat de coqs: des gens qui sont prêts à dire n’importe quoi pour séduire tout le monde à la fois.
Pour la sincérité, on repassera!