Socrate, connu par sa sagesse, reçoit un homme: «sais-tu ce que je viens d’apprendre sur Diogène?» Socrate lui demande d’utiliser trois filtres. Le premier est celui de la vérité: «es-tu sûr que ce que tu vas me dire est la vérité? - Non, j’en ai entendu parler.- Passons au filtre de la bonté. Ce que tu vas me dire est bon? - Non, au contraire. - Tu veux me dire au sujet de Diogène quelque chose de mauvais alors que tu ne sais même pas si c’est vrai. Alors passe par le filtre de l’utilité. Ce que tu vas me dire m’est utile? - Non. - Ce que tu veux me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile. Je préfère ne pas le savoir. Et je te conseille de l’oublier».
Namima, scoop, tberguig, lgha, lhadra, addye, taqchare, tazmame, gouligoula, skanage, douassa, daqqou lkafta (hacher la viande)… Epier les autres, interpréter, extrapoler, déduire, rajouter un peu de mliha ou bzare (du sel et du poivre). Diffuser l’information auprès de tous, sauf de la personne concernée! Avec Internet, l’information se propage immédiatement.
La namima c’est la médisance, le fait de colporter des informations, par curiosité, par indiscrétion, à l’insu d’une personne. Le rapporteur n’arrive pas à tenir sa langue. Il divulgue les secrets qu’on lui confie et s’en délecte.
Il colporte des paroles entre des gens, les ornant de mensonges pour créer la discorde, par méchanceté. La namima devient calomnie. La calomnie, c’est imputer à une personne un fait pour entacher sa réputation, son honneur et l’exposer au mépris public, sans preuve.
La divulgation est le fait de faire circuler des informations vraies, pour nuire.
La diffamation est l’imputation d’accusations portant atteinte à l’honneur, sans preuve. Les lois fixent des sanctions pénales allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
Le Coran condamne la namima: «Et n’espionnez pas; et ne médisez pas les uns des autres». (S.49, V.12) Le Prophète en dit: «celui qui croit en Dieu et au jour dernier, qu’il dise du bien ou qu’il se taise».
Ceux qui médisent cherchent à nuire à une personne à travers son corps, sa mentalité, ses comportements, ses habits, sa famille, ses idées, son travail, son intégrité…
Médire, c’est avoir de l’intérêt pour les autres, au détriment de soi, de sa famille et perdre du temps et de l’énergie pour collecter et diffuser des ragots.
L’oisiveté favorise la namima. Lorsque les femmes ne travaillaient pas, elles avaient tout loisir de s’échanger les ragots. Zina: «nous n’avions ni télévision, ni ordinateur avec internet, ni téléphone. Enfermées, ignorantes, de quoi parlions-nous? De la médecine, de la politique?»
Dans les cafés, la namima occupe le temps des hommes oisifs.
Tberguig, curiosité pathologique, voyeurisme, amplifié par Internet. Il est devenu normal d’exposer sa vie intime, ainsi que de partager, sur les réseaux sociaux, l’intimité des autres.
Une des valeurs universelles qui est le respect de l’intimité des autres est brisée. Une valeur de notre culture bafouée, setra, respect des secrets d’autrui, dont le Prophète dit: «tout fidèle qui, dans ce monde, garde secret les défauts d'un autre musulman, verra ses propres défauts dissimulés par Allah le Jour de la Résurrection». Certains font de la namima leur business à travers le web, cherchant l’indiscrétion qui fera le buzz!
Le meilleur lieu de namima, c’est dans les cérémonies de mariage. Impossible d’en sortir sans avoir soumis à la critique tous les détails. S’il n’y a rien à critiquer, on peut toujours s’attaquer à la famille de la mariée ou celle du marié ou dire que la mariée n’est pas montée (pas belle)! La technologie a facilité la besogne: «quand je suis dans un mariage, je fais ma namima instantanée par WhatsApp».
Dans la sphère professionnelle, tberguig et namima vont bon train: jalousie, méchanceté, indiscrétion: «un jour je me suis réveillée avec l’œil enflé. Des bruits de couloir se sont répandus: mon mari m’a battue!»
Hommes et femmes se livrent à la namima. Ses effets sur les femmes sont graves: «j’ai eu une promotion au travail. Une collègue a juré m’avoir vue entrer dans le bureau du boss avec du rouge à lèvres et en sortir sans». Une fois que radio-médina se saisit du scoop, impossible de l’arrêter. La rumeur se répand telle une traînée de poudre.
La namima peut être suggestive, pour semer le doute: «je l’ai vue sortir d’un immeuble. Je pense qu’elle était avec X. Je n’en suis pas sûre. Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dis!» Et c’est parti!
Etre diplomate, prêcher le faux pour savoir le vrai: «X raconte que tu vas divorcer. Je te le dis parce que je t’aime bien». Les pros de la namima entremêlent les fils électriques pour provoquer un court-circuit: inventer des mensonges en confiant à une personne que tel a dit des monstruosités sur elle.
Les répercussions peuvent détruire des couples, des familles, des entreprises…
Les langues fourchues pullulent. Tenir sa langue est une sagesse… Difficile dans une société qui dit que dans la langue, il n’y a pas d’os!
La namima ne concerne que nous autres Marocains? Noooon, elle est universelle. Les Américains la nomment gossip et en ont fait une série télévisée. Comme quoi…