Le profil de cette population a énormément changé. Au début, c’était une main-d’œuvre masculine, sans qualification, analphabète, surtout rurale, ayant trimé dans des conditions lamentables pour envoyer l’argent à la famille restée au bled, avec le rêve d’un retour qui n’a pas toujours été exaucé.
Puis l’émigration a été liée à lahrigue, terme devenu familier, signifiant le départ clandestin vers l’Eldorado européen en traversant le détroit de Gibraltar, avec le risque de terminer son parcours au fond de l’océan. Il fallait brûler ses papiers pour éviter d’être identifié et refoulé. Lahrigue signifie «brûler».
Mais la surveillance des côtes maritimes a affaibli ce phénomène. Un autre profil de RME est né, qui émigrent en toute légalité. Ils sont jeunes, formés et diplômés par le Maroc et aspirent à une vie meilleure: des salaires plus élevés, une sécurité sociale complète et surtout une bonne scolarité pour leurs enfants. Alors que l’émigration concernait principalement les hommes, aujourd’hui elle se féminise.
La diaspora marocaine est estimée à plus de 5 millions de personnes. Parmi ceux-ci, 80% vit en Europe. Une personne sur cinq est titulaire d’un diplôme universitaire.
Elle demeure très attachée au bled et solidaire avec la grande famille. Nous avons vu, lors de la crise du Covid, sa générosité.
Un attachement également chez les Marocains juifs, émigrés depuis des décennies, sans avoir coupé le cordon avec la mère-patrie, y compris les jeunes qui n’ont jamais vécu au Maroc.
Les Marocaines et les Marocains du monde continuent à investir et à s’investir au bled. Mais ils veulent y retrouver les mêmes droits que dans les pays d’accueil.
Je travaille depuis longtemps avec cette communauté. Une de ses doléances est l’amélioration de la qualité de l’accueil dans les ambassades et les consultas du Maroc et la rapidité des procédures administratives. Des efforts ont été faits, mais reste à faire en termes de formation du personnel.
Cette population a besoin que son pays lui soit accessible. Le transport aérien est un obstacle. Les billets en haute saison flambent. Montréal-Casablanca, par la RAM, a atteint cet été 23 000 DH par personne! Un couple et deux enfants doivent débourser plus de 40 000 DH juste pour l’avion! Inadmissible! Indécent!
La RAM ne devrait pas spéculer sur le dos de cette population qui fait tant pour son pays!
Cette population veut des centres culturels pour l’apprentissage de l’arabe à ses enfants. Les mosquées s’en chargent, par des personnes qui n’ont aucune pédagogie ni objectifs autres que former les enfants à un Islam obscur.
L’absence de ces centres est inexplicable. Pourtant, ils permettent le rayonnement d’une civilisation riche que les pays d’accueil devraient connaître et estimer à sa juste valeur. Ce qui valoriserait nos RME et détruirait les stéréotypes dont ils souffrent.
Les ambassadeurs du Royaume devraient s’impliquer, pas seulement lors des fêtes religieuses et nationales où ils offrent pastillas et cornes de gazelles.
Certes, ils font partie de notre patrimoine immatériel, mais ne bénéficient qu’à une élite et non au commun des Marocains et des populations des pays d’accueil.
Un exemple de cette implication: à Dublin, l’ambassadeur, M. Lahcen Mahraoui, a organisé au sein d’une cathédrale une exposition de photos et de manuscrits sur la présence chrétienne au Maroc et le vivre-ensemble. La cathédrale a accueilli deux concerts de musique et de chants soufis, avec El Hadra Chefchaounia, un groupe soufi exclusivement féminin.
Un message fort de diversité culturelle, de coexistence et de dialogue entre les cultures et les civilisations, qui valorise nos ressortissants.
Les centres culturels contribueraient à l’essor du patrimoine marocain et construiraient des ponts entre les différentes cultures du monde.
Ils sont un espace de rassemblement et d’échange des MRE pour préserver leur identité nationale, les informer sur les particularités et les prestiges de leur culture et tisser des liens entre eux et la population du pays d’accueil. Ils sont un relais pour la paix.
En 2008, le gouvernement a programmé la création d’une dizaine de centres culturels marocains (CCM), appelés Dar Al Maghrib, à l’horizon 2022, dans les principaux pays d’accueil: France, Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne, Etats-Unis, Canada et Sénégal. Un objectif jamais atteint… Mauvaise gestion, laxisme, manque de coordination entre les parties concernées… Je-m’en-foutisme!
Ce fut le cas du projet de Mantes-la-Jolie (France), lancé en 2009. La mairie a offert un terrain de 755m². Un projet avorté!
En 2016 fut lancé, en grande pompe, le grand projet du CCM de Paris. Le local appartenait déjà au Maroc. L’ouverture était programmée pour 2018. Nous l’attendons toujours!
Le premier CCM a ouvert à Montréal en 2012. Aujourd’hui, avec une femme très dynamique à sa tête, il est une vitrine du Maroc et une fierté pour les Marocains.
Mais il reste unique en son genre. En Hollande, où il y a une forte communauté marocaine, le CCM d’Amsterdam est achevé depuis 2015. On attend toujours son ouverture! Fermé depuis 7 ans, il génère des frais de surveillance, outre ceux du délabrement des équipements…
Je souhaite plus de considération pour les membres de cette diaspora qui, comme l’affirme le Souverain dans son discours, «défendent avec abnégation l’intégrité territoriale de leur pays, en faisant résonner la cause nationale à toutes les tribunes qui leur sont accessibles et à la faveur des positions qu’ils occupent».