Les premières règles chez les filles étaient fêtées afin que l’entourage sache qu’elles étaient devenues fertiles.
La stérilité a toujours été attribuée à la femme. L’homme viril ne peut être stérile. Les hommes répudiaient l’épouse qui n’avait pas enfanté, se remariaient, répudiaient encore, sans jamais enfanter.
Dans la culture traditionnelle, la stérilité est due à lberde, le froid qui gèle l’utérus.
La fille doit éviter que le froid ne monte en elle.
L’âayne, le mauvais œil ou attab’âa (la jalousie) peuvent nouer l’utérus.
Il faut éviter tout ce qui noue le ventre. Après la défloration, la mariée ne met pas de ceinture avant le septième jour, fêté par une cérémonie de lahzame (ceinture).
Après l’accouchement, la femme ne porte pas de ceinture pendant 40 jours.
Dans de nombreuses cultures, ces 40 jours sont respectés. Les Chinois les nomment Mois d’or.
Dans les religions monothéistes, l’accouchée ne prie plus et ne jeune plus jusqu’à la fin des saignements.
Chez les Juifs, le sang des règles et des couches est souillant. La femme qui accouche d’un garçon reste impure 40 jours; si elle a eu une fille, elle reste impure 80 jours.
Chez les Chrétiens, les 40 jours se terminent par une cérémonie appelée les relevailles, pour pouvoir réintégrer l’église.
Selon l’Islam, si l’accouchée ne saigne plus avant 40 jours, elle reprend ses pratiques religieuses.
Une personne peut taqqafe (bloquer) la fertilité d’une femme par shour (sorcellerie). Il faut rester vigilante dès les premières règles, et cacher les serviettes hygiéniques. L’accouchée doit cacher ses serviettes tachées de sang. Une ennemie peut s’en servir, à l’aide d’un fqih, pour lui nouer l’utérus.
Il y a des pratiques préventives: porter des hjabe (des talismans) donnés par le fqih.
Faire régulièrement du bkhor (de la fumigation) de mélanges de plantes et/ou d’animaux donnés par l’herboriste ou transmis de bouche-à-oreille.
Au bout d’un an, si la grossesse tarde, il faut agir. Implorer un saint en lui faisant des offrandes et en lui promettant elmarfouda, une promesse d’offrande selon ses moyens: un coq, un mouton, un veau, laghta, soit une belle étoffe pour couvrir la tombe...
Il y a des saints spécialistes de la fertilité, tel Moulay Bouchaib (Azemmour), attaye la’zara (il donne des garçons.) ou Moulay Brahim dans le Haouz.
Dans les mausolées, il y a des rituels effectués par des femmes spécialistes: purifier le corps de tout blocage, le laver à l’eau d’un puit béni ou à l’eau de sept vagues et jeter ses habits et en porter des nouveaux. On dit lahète, elle a jeté le mal.
L’herboriste donne des breuvages. Par désespoir, la femme pouvait avaler un chiot ou une souris venant de naître!
Le fqih fait tbatèle, amulettes ou autres rituels contre eddiar (la sorcellerie)
Il y a les breuvages à base de lamsakhen, des condiments qui réchauffent l’utérus, manger des testicules d’animaux, avaler le prépuce d’un garçon après sa circoncision…
Et il y a lgaddida, le symbole de la solidarité féminine. Pour conserver la viande, après la fête du mouton, on coupe des lanières à sécher au soleil. Elles agrémentent les plats et servent à stimuler la fertilité.
On collecte miate gaddida ou gaddida (101 morceaux), mais issues du mouton de l’Aïd lekbir et appartenant à une femme mazouara, fertile n’ayant jamais fait de fausse-couche ni perdu d’enfant.
Les femmes proches se mobilisent et n’hésitent pas à frapper aux portes de maisons inconnues pour demander une gaddida. En faire don est une bonne action.
La collecte terminée, la femme en mal d’enfanter organise une cérémonie qui regroupe ses proches, celles qui l’ont aidée et des femmes stériles pour les faire bénéficier de la recette. C’est une bonne action.
Une femme mazouara prépare un couscous avec tfaya: des oignons caramélisés, des pois chiches, du safran, du smane (du beurre rance) et msakhen (des condiments réchauffant, aphrodisiaques). Le thé est parfumé à l’ambre et au safran.
Chaque invitée offre une boule de couscous à la maîtresse de maison pour lui porter bonheur. Ensuite, les femmes l’entourent et lui dénouent la ceinture en poussant des youyous et en invoquant le Prophète. Elles déposent labyad, pièces d’argent qui porte bonheur. L’argent est mis dans un hammale (étoffe pour porter un bébé sur le dos) appartenant à une femme mazouara. La femme stérile porte le hammale sur le dos. Les convives prient Dieu de dénouer sa ceinture.
Les femmes embellissent la femme stérile, lui décorent les mains et les pieds au henné. Elle rejoint son lit, bien couverte pour éviter le froid.
La cuisinière a gardé deux bols de bouillon de couscous. Les époux les boivent. L’époux mange le couscous et c’est parti pour une nuit érotique.
Beaucoup de femmes affirment avoir enfanté grâce à lgaddida.
Aujourd’hui, toutes les femmes souhaitent consulter des médecins pour enfanter. Mais le tiers de la population qui habite en milieu rural et la majorité des citadines n’en ont pas les moyens. Les méthodes traditionnelles restent à leur portée.
Nombreuses sont les femmes qui se rendent chez les médecins et utilisent en même temps des méthodes traditionnelles pour se donner plus de chance.
Celles qui désespèrent de la médecine moderne plongent dans les pratiques traditionnelles.
La pratique de lgadida se perd, mais elle existe encore et permet aussi à des femmes de faire la fête avec une recette qui ila manaf’âatche, maddarche (si elle s’avère inutile, elle sera inoffensive).
Donc après l’Aïd lekbir, si vous faites sécher lgaddid sur vos balcons et qu’une femme inconnue vous en demande une pièce, offrez-la lui. Vous ferez une bonne action. Bonne fête à toutes et à tous.