Lyautey s’était opposé aux visées expansionnistes de ses compatriotes sur ce qu’on appelait alors l’Algérie française.
En 1924, la question de la souveraineté sur le Touat, territoire situé à l'est de Tindouf, opposa l'administration française du Protectorat aux gouverneur général de l’Algérie. Depuis Rabat, le maréchal Lyautey adressa alors au gouvernement français, deux longues notes concernant les frontières historiques du Maroc. Elles donnent un éclairage important sur la question.
Dans une note datée du 4 février 1924, de Rabat, les services du résident de France écrivaient:
«Il n’est pas douteux qu’à cette époque (avant le Protectorat), l’Empire chérifien étendait nettement son influence au sud de l’Algérie, et il coupait celle-ci du Sahara proprement dit: les Oasis sahariennes du Touat, du Gourara et du Tidikelt relevaient depuis plusieurs siècles du Sultan du Maroc. L’autorité du Sultan Moulay Hassan y fut rétablie en 1892, et des gouverneurs marocains y demeurèrent jusqu’à l’occupation française d’In-Salah (1902) qui provoqua des protestations au Makhzen (…) En 1917, le Général Gouraud qui était alors Commissaire résident Général par intérim* demanda même le retour de Colomb Béchar au Maroc».
Quatre jours plus tard, dans une note en date du 8 février 1924 destinée au président du Conseil (le chef du gouvernement français), le Maréchal Lyautey, résident général au Maroc, écrivait:
«J’estime que le Maroc a, dans le Sahara, une frontière commune avec l’Afrique occidentale française (…). Je ne puis qu’appeler toute l’attention de Votre Excellence sur l’importance de la question pour ce qui regarde le Maroc dont la France a solennellement garanti l’intégrité, engagement qu’elle a rappelé au cours des négociations récentes. Au surplus, sans qu’il soit, je pense, nécessaire d’insister davantage sur ce point, l’histoire des dynasties marocaines suffit à démontrer que, de tout temps, les Sultans ont exercé sur cette partie du continent une action spirituelle et, parfois, effective, incontestée».
Pour le maréchal Lyautey, l’appartenance de Tindouf au Maroc ne faisait donc aucun doute. L'administration marocaine s'exerçait en effet sur la vallée de Tindouf qui dépendait du khalifa du Tafilalet et ses caïds étaient nommés par dahir du sultan du Maroc. Les archives marocaines conservent de nombreux documents administratifs confirmant cette réalité.
La première agglomération de Tindouf (tama-n-Douf en tamazight), ou Tendefès est connue par El Bekri et le Tarikh-el-Fettach. Pillée, ravagée et enfin détruite par les rezzous successifs des Touaregs, des Berabers et des Rguibat, elle disparut durant deux siècles, mais ses points d'eau continuèrent à être fréquentés par les caravanes transsahariennes. La ville nouvelle de Tindouf fut fondée en 1852 ou en 1857 par Mrabet Ould Belamech, chef de la tribu des Tadjakant qui avait fait allégeance au sultan du Maroc.
En 1934, la France occupa Tindouf qui, dans un premier temps, fut englobée dans la zone militaire dépendant du commandement français du Maroc avant d’être placée sous l'autorité du Gouverneur général de l'Algérie. Mais à aucun moment, la marocanité de la région ne fut remise en cause.
En 1956, au moment de l'indépendance du Maroc, Tindouf était administrativement rattachée à la région d'Agadir, comme d’ailleurs Fort-Trinquet (l'actuelle Bir Moghreïn) en Mauritanie. Au mois de juillet 1962, quand elle accorda l'indépendance à l'Algérie, la France était militairement présente à Tindouf dont elle se retira au mois d’octobre, laissant l'ALN (Armée de libération nationale) algérienne s'y installer. C'est ainsi que Tindouf la marocaine est devenue algérienne.
Pourtant, au mois de juillet, les tribus de la région de Tindouf, essentiellement les Tajakant et les Rguibat avaient fait allégeance au roi du Maroc. Au début du mois d’octobre, quand l’armée algérienne occupa Tindouf, elle en chassa par la force les représentants du Maroc qui avaient refusé de se retirer. Cette prise de possession fit alors de nombreuses victimes.
* Lyautey était alors ministre de la Guerre à Paris.