Le 18 novembre 1927, le sultan Moulay Youssef mourut et son successeur fut son troisième fils, le jeune Sidi Mohammed ben Youssef, le futur Mohammed V, qui allait incarner le nationalisme marocain.
La revendication nationaliste, qui était ancienne, se cristallisa d’abord contre l’idée de la double composante marocaine, arabe et berbère, qui était sous-tendue dans le «Dahir berbère» du 16 mai 1930. Or, en tentant de l’imposer, ses initiateurs français avaient suivi une politique qui était à l’opposé de celle qui avait été portée par le maréchal Lyautey.
En cherchant à «autonomiser» les Berbères par rapport au droit d’Etat, c’était en effet l’unité nationale marocaine qui était attaquée alors que, tout au contraire, pour Lyautey: «la source de toute autorité est chez le sultan. Son autorité religieuse et son pouvoir politique s’étendent sur toutes les villes et les tribus de l’Empire (…)» (Lyautey aux notables de l’Empire chérifien, 1917).
Cette nouvelle organisation judiciaire aurait en effet abouti à séparer les arabophones et les berbérophones. Pour la commission qui avait préparé le texte, le but était, en le faisant codifier par dahir, donc par la Loi, de placer le domaine juridique coutumier berbère (Orf ou Izref) hors de la législation nationale.
Le «Dahir berbère» fut donc tout naturellement considéré comme une volonté de dissolution de la nation marocaine car, avec lui, les Marocains d’origine «arabe» auraient été soumis au droit islamique, tandis que les Berbères auraient été régis selon leurs coutumes. Or, si les Berbères avaient été soustraits au droit national, ils n’auraient donc plus dépendu du Sultan, Commandeur des Croyants. Ce qui aurait eu pour conséquence l’éclatement ethnique et politique du Maroc.
Le 20 juin 1930, les premières manifestations contre le «Dahir berbère» se déroulèrent à Salé, à Fès et dans les mosquées du royaume où les nationalistes firent réciter le latif, la prière de détresse réservée aux calamités publiques.
Le sultan Sidi Mohammed ben Youssef négocia pas à pas avec la Résidence et il obtint gain de cause, le dahir du 8 avril 1934 abrogeant en effet l’article 6 du dahir du 16 mai 1930, dit «Dahir berbère».
Ce nouveau dahir uniformisait les juridictions marocaines et donnait au haut Tribunal Chérifien entière compétence pour juger les crimes commis dans tout le royaume, y compris dans les régions de coutume berbère.
Le principal résultat de cette tentative de dissolution de la Nation marocaine fut au contraire le renforcement de l’idée nationaliste et l’affirmation de plus en plus forte de la réalité monarchique, ce que nous verrons dans mes deux prochaines chroniques.