Au XVIe siècle, les relations entre le Maroc et la dynastie des Askia qui régnait sur l’empire songhay furent orageuses. Dans les années 1540, le sultan Mohamed Ech-Cheikh (1554-1557) écrivit ainsi à Askia Ishaq Ier (1539-1545) pour qu’il reconnaisse sa suzeraineté sur les salines sahariennes de Teghaza. En réponse, le souverain songhay envoya plusieurs centaines de tributaires touareg ravager la vallée marocaine du Draa.
Les relations entre le Maroc et le Songhay se détériorèrent encore davantage durant les règnes du sultan El-Mansour (1578-1603) et de l’Askia Mohamed III el-Hadj (1582- 1586).
En 1586, le sultan marocain Ahmed El-Mansour demanda à Askia Ishaq II un mithqal d'or –monnaie d'or pesant environ 3,5 grammes sous les Saadiens–, par charge de sel exportée de Teghaza au motif qu'il devait aider financièrement les armées de l'Islam en guerre contre les infidèles. Considérant que la menace marocaine était inexistante compte tenu des distances, le souverain noir refusa, et il adressa au sultan un message hautain qu'il fit accompagner de javelots et de deux fers de lance, voulant ainsi lui faire comprendre qu'il n'était pas question de négocier et que, désormais, l'heure était à la guerre.
Le sultan El-Mansour constitua alors un corps expéditionnaire fort de 3.000 hommes transportés avec leur armement par 8.000 chameaux et 1000 chevaux de bât. Son commandement fut confié au Pacha Jouder, un converti d'origine espagnole, natif de Las Cuevas, dans les Asturies.
Partant de Marrakech avec une première étape dans la ville marocaine de Tindouf, l’armée se dirigea ensuite vers Teghaza puis vers Taoudeni et, 135 jours après son départ, elle atteignit le fleuve Niger. Le corps expéditionnaire marocain marcha ensuite sur Gao, que l'Askia chercha à défendre, mais, le 13 mars 1591, à Tondibi, sur le Niger, les 12.500 cavaliers et les 30.000 fantassins songhay furent mis en déroute après avoir subi des pertes terribles. Gao fut prise et des négociations s'ouvrirent entre Jouder et l'Askia. En échange de son retrait, le second offrit au premier 100.000 pièces d'or, un tribut de 10.000 esclaves, le versement annuel d'une somme d'argent, le monopole du commerce des coquillages de cauris dans les limites de l'empire songhay, ainsi que le monopole reconnu au Maroc de l'importation du sel venant du Sahara.
Jouder pensa que ces conditions étaient acceptables, d'autant plus que son armée étant décimée par les fièvres, il ne voyait pas comment il lui aurait été possible d'occuper l'ensemble des possessions de l'Askia. Il écrivit donc au sultan pour lui conseiller d'accepter les propositions du vaincu et, dans l'attente de sa réponse, il installa l'armée à Tombouctou, région où le climat est plus sain qu'à Gao.
Le sultan marocain repoussa les propositions de l’Askia car il voulait sa soumission totale. Au mois de juin, il remplaça Jouder par Mahmoud ben Zarquin, un autre converti espagnol, auquel il donna des ordres très précis et les moyens de les exécuter, lui fournissant des embarcations démontables afin de pouvoir conquérir le poumon du pays qu'était le fleuve Niger.
Mahmoud ben Zarqun victorieux, le Maroc créa le Pachalik du Soudan sur les décombres de l’empire songhay et il en confia la direction à des pachas nommés par le sultan.
A partir de 1618, ces derniers furent élus par la troupe. Ils ne rompirent cependant pas avec le Maroc puisque, sous les Saadiens (1554-1636), ils prêtaient allégeance aux sultans marocains. En 1670, ils renouvelèrent cette allégeance à Moulay Rachid (1666-1672), le premier sultan alaouite. N’ayant pas les moyens de diriger la totalité de l’ancien empire songhay, le corps expéditionnaire marocain se limita à contrôler la navigation sur le fleuve Niger au moyen de petites garnisons.
Les soldats marocains qui avaient conquis le Songhay étaient essentiellement membres des tribus guich, tant Berbères qu’Arabes, c’est-à-dire de tribus qui devaient le service militaire au sultan. Le dernier renfort eut lieu en 1618, sous le règne du sultan Moulay Zidane (1613-1627).
Sur place, à Tombouctou, l’ordre social fut axé sur l’appartenance de ces hommes à l’une ou l’autre des deux grandes divisions militaires du pachalik, l’une dite «de Fès», l’autre «de Marrakech». Désignant à l’origine l’aile droite et l’aile gauche de l’armée, ces deux ensembles se transformèrent peu à peu en sortes de clans, les pachas étant nommés en alternance en leur sein.
Ils firent souche dans la région. Epousant des femmes indigènes, notamment songhay, ils donnèrent naissance aux Arma, une déformation du mot arabe al-Ruma, –ceux qui utilisent le fusil–, dans le cas présent l’arquebuse, c’est à dire les fusiliers. Peu à peu, ces quelques centaines de soldats se transformèrent en une élite dirigeante qui gouverna Tombouctou jusqu’en 1833.