Tout le monde a l’œil rivé sur le calendrier électoral, surtout le 8 septembre, avec le scrutin simultané des communales, des régionales et de la Chambre des représentants. Il est en effet décisif par rapport à deux autres qui suivent, les conseils préfectoraux et provinciaux le 21 septembre puis le 5 octobre pour la Chambre des représentants. Mais il n’y a pas que ces consultations, d’autres contraintes vont également peser, notamment la mise sur pied d’une majorité et d’un nouveau cabinet et l’élaboration du projet de loi de finances 2022.
Précisément, ce projet de texte législatif est contraignant parce qu’il est inséré dans un calendrier bien strict: il doit en effet être déposé devant le Parlement, conformément à la loi organique des finances, avant le 20 octobre. Qu’en sera-t-il au vrai? Le cabinet actuel prépare un avant-projet censé se conformer à la note de cadrage du chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani. Il est prévu que le Conseil de gouvernement en délibère lors de sa prochaine réunion, le jeudi 25 août prochain. Nul doute qu’il ne sera finalisé que plusieurs semaines après par suite d’arbitrages puis de sa présentation– dans ses orientations générales –au Conseil des ministres présidé par Sa Majesté le Roi (art.49 de la Constitutions).
Voilà bien une situation particulière qui voit un gouvernement sortant préparer et adopter un projet de loi de finances –rien à y redire en principe parce qu’il exerce ses attributions prévues par la loi suprême. Mais qu’en sera-t-il avec le nouveau cabinet? Quelle que soit sa configuration (chef de l’exécutif et majorité), il paraît évident qu’il voudra imprimer sa marque ne serait-ce que pour que illustrer un «changement» par rapport à son prédécesseur. Y aura-t-il alors une loi de finances rectificative? De quelle marge de manœuvre disposera-t-il alors? En l’état, le projet de loi de finances en discussion se fonde sur quatre priorités: relance économique, généralisation de la protection sociale, valorisation du capital humain, réforme du secteur public et de la gouvernance. Reste la déclinaison de celles-ci en mesures opératoires et en réformes, un domaine où la convergence des approches et des positons des uns et des autres au sein de la future majorité n’est pas acquise.
Dans son discours du Trône, le 31 juillet dernier, le Souverain a appelé de ses vœux un «Pacte National de Développement» (PND); il doit ainsi offrir un cadre référentiel aux politiques, un «socle économique et social» fondant et articulant les priorités et les orientations du programme gouvernemental pour la nouvelle législature et même à l’horizon 2035. Il s’agit là d’une contrainte supplémentaire pesant sur les conditions de formation du prochain cabinet. Le chef de cet exécutif aura en effet à rallier ses alliés sur plusieurs points délicats: le format du cabinet, la dimension des alliances, la répartition de départements et un accord sur le PND assorti d’un programme détaillé.
Après le scrutin du 8 septembre, quel sera le calendrier? Le 10, deux jours plus tard, seront officiellement données les résultats. Suivra la désignation d’un chef du gouvernement par Sa Majesté le Roi. L’on peut penser que le même délai de 15 jours– comme pour Saâd-Eddine El Othmani le 17 mars 2017– lui sera donné pour former son gouvernement et une majorité. Pareille procédure s’étirera jusqu’à la fin septembre au plus tard, aucune disposition constitutionnelle n’imposant cependant quelque délai… Si bien que sur ces bases-là, l’on peut envisager– et c’est souhaitable– qu’un nouveau cabinet sera nommé à la veille de l’ouverture officielle par le Souverain de la première session de la législature 2021-2026, soit le vendredi 8 octobre. Il faut ajouter qu’il n’y a rien de mécanique dans cet agenda, la politique n’échappant pas à des aléas et à tant d’autres facteurs d’imprévisibilité non maîtrisables par avance.
En tout état de cause, nouveau cabinet ou pas, d’ici ce 8 octobre à venir, il faudra bien présenter en principe au Parlement élu le 8 septembre (Chambre de représentants) et le 5 octobre (Chambre des conseillers) un projet de loi de finances 2022 avant, répétons-le, le 20 octobre. Si l’on a affaire à un nouveau cabinet déjà nommé mais non investi, il lui faudra solliciter l’investiture de la Chambre de représentants par un vote de manque de confiance approuvant son programme. Un ordre du jour qui va télescoper la finalisation du projet de loi de finances. De quoi changer la barque des mois de septembre-octobre et conduire alors à un «surbooking» difficilement compressible.
Autre interrogation: quel sera le format majoritaire du nouveau cabinet? Le PJD, même éventuellement classé en tête le 8 septembre, pourra-t-il réunir une majorité avec une troisième législature à la clé? C’est la formule la moins probable ne serait-ce que pour des raisons de bon fonctionnement des institutions constitutionnelles et de propension hégémoniste dans le système partisan et la vie politique nationale.
Se résoudra-t-il à n’être qu’une composante pratiquement banalisée d’une nouvelle majorité et d’un gouvernement dirigé par un autre parti? Quels seront enfin les contours de celle-ci? L’expérience de cinq partis dans le cabinet sortant n’a pas été concluante: tant s’en faut.
Le schéma qui paraît prévaloir est celui d’une formule plus réduite autour de trois partis, peut-être quatre au plus. Et les formations les moins bien placées, semble-t-il, seraient le PAM de Abdellatif Ouahbi et l’UC de Mohamed Sajid, leur valeur ajoutée n’étant pas considérée comme bien significative… Des inconnues à prendre en charge –parmi tant d’autres– pour se mobiliser enfin dans une dynamique et un nouvel élan de chantiers et de réformes.