C’est donc au pas de charge que le nouveau chef du gouvernement désigné, Aziz Akhannouch, poursuit ses consultations avec les partis pour former une majorité. Ce qui frappe, pour commencer, c’est la célérité de cette procédure. Elle a débuté lundi dernier –soit trois jours après sa désignation par le Roi, vendredi 10 septembre. Signe d’une volonté d’aller vite, d’accélérer les rendez-vous: faire montre dès le départ d’un nouveau management tournant le dos à bien des pratiques du passé. Avec ce corollaire tout aussi démonstratif: donner la preuve qu’il a les choses en mains et qu’il sait où il veut aller et avec qui.
Il a tenu, par principe, à recevoir tous les partis, sauf deux d’entre eux. Ainsi Nabila Mounib, nouvelle parlementaire et secrétaire générale du PSU, a par avance décliné cette invitation en rejoignant l’opposition. Quant au PJD, grand perdant des scrutins du 8 septembre avec seulement 13 députés contre 125 sortants dans la législature sortante, il aurait été incongru et surréaliste de voir avec lui –et partant, avec son secrétaire général, Saâd-Eddine El Othmani, par ailleurs chef du gouvernement sortant– une éventuelle participation.
Ce premier tour de piste n’avait pratiquement qu’un aspect «exploratoire». Aziz Akhannouch avait certainement, dès les résultats, une opinion déjà en tête: former une majorité avec son parti, le RNI (102 sièges) et deux alliés, le PAM (87) et le PI (81). Une majorité large de 270 voix, soit 72 au-dessus de la majorité de la Chambre des représentants (198). Mais comme pour prévenir toute critique à cet égard, il avait tenu à déclarer qu’il était prêt à s’allier avec toutes les formations approuvant ou se ralliant au programme et aux orientations de son parti. Du déclaratif de principe qui n’engageait pas à grand-chose.
Ce décompte prévisionnel de trois partis conduit à des conséquences sur le système partisan actuel. Il est d’abord arithmétique, à un premier niveau d’analyse, puisqu’il concerne les trois partis arrivés en tête. Il rejette tous les autres dans l’opposition, en intégrant ainsi deux formations qui, elles, s’y trouvaient depuis des années –le PAM dans les cabinets Benkirane et El Othmani (2012-2021) et le PI à compter de juillet 2013. Dans ce schéma, deux alliés du RNI dans la majorité sortante (le PM et l’UC) sont écartés. Un repositionnement qui aura certainement un coût politique à terme puisqu’ils seront appelés à ne pas voter au côté de la nouvelle majorité, soit contre son programme, soit par abstention. De l’inconfort! Ils estiment qu’ils ne peuvent avoir qu’une vocation gouvernementale ne serait-ce que par déterminisme…
Nul doute que Aziz Akhannouch, ministre dans trois cabinets depuis 2007 et président du parti de la colombe depuis octobre 2016, n’ignore rien de tous ces paramètres. Pas davantage, il ne méconnaît la situation difficile de l’USFP se trouvant exclue de la nouvelle majorité. Une situation d’autant plus singulière que c’était lui, d’octobre 2016 à mars 2017, qui avait fait de la participation de cette formation socialiste la condition de la mise sur pied d’une majorité. Une option refusée par Abdelilah Benkirane, mais qui a fini par prévaloir avec son successeur, Saâd-Eddine El Othmani, nommé le 5 avril 2017.
Si une majorité avec seulement trois partis (RNI, PAM, PI) s’est imposée, c’est parce que Aziz Akhannouch veut donner cohérence, homogénéité et efficacité à son cabinet. Il sait, au plus près, ce que l’insuffisante coordination majoritaire a donné avec El Othmani. D’où cette formule d’un cabinet concentré autour d’une vingtaine de départements au plus. Cinq d’entre eux sont des secteurs régaliens: Affaires étrangères, Intérieur, Administration de la Défense nationale, Habous et Affaires islamiques et le Secrétariat général du gouvernement (SGG).
Une quinzaine d’autres relèvent des propositions du chef du gouvernement. Comment opérer leur répartition entre les trois composantes de la majorité? Le RNI tient beaucoup à s’attribuer le pôle économique dans sa quasi-globalité. Le PI excipe aussi de son expérience dans ce domaine ainsi que de sa compétence. Le PAM ne se verrait-il assigné qu’à des départements de moindre importance? Et le social, qu’en sera-t-il? Enfin, reste le ministre de l’Education nationale, où un grand chantier de réformes a été initié depuis plus de trois ans.
Dans le décompte qui sera fait, à qui reviendront la présidence des deux Chambres du parlement? L’on évoque le nom de Nizar Baraka, secrétaire général du PI, pour la Chambre des représentants. Il est aussi envisagé celui de Abdellatif Ouahbi, dirigeant du PAM, à la tête de la Chambre des conseillers.
Dans la quinzaine de jours qui viennent, toutes ces institutions seront constituées et mises sur pied. C’est que le vendredi 8 octobre prochain, le Roi inaugurera l’ouverture officielle de la session d’automne du Parlement laquelle sera aussi celle de la nouvelle législature. Le Souverain ne manquera pas de donner de fortes orientations au nouveau gouvernement et à sa majorité pour les cinq années à venir.
Le changement sera à l’ordre du jour dans de multiples domaines de la conduite et de la mise en œuvre de politiques publiques: gouvernance, relance économique, emploi, social. Les axes stratégiques retenus par le nouveau modèle de développement (MND) et les leviers de changement qui y sont liés seront la trame centrale du programme gouvernemental. Un cap. Une vision. Des séquences. Et des priorités. Tel est le cahier de charges. Du volontarisme réformateur allant au-devant des besoins, des attentes et des aspirations des citoyens. Le changement à prendre en charge. A porter donc. A incarner. Et oser…