Du mauvais usage de l’hégémonie

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ChroniqueL’éphémère enthousiasme que l’on a pu ressentir ici et là suite à l’annonce d’un Nouveau Modèle de Développement, du départ du gouvernement d’El Othmani et de la nomination d’une nouvelle équipe présentée comme un vivier de compétences technocratiques, semble s’être estompé, au profit d’un nihilisme institutionnel de plus en plus prononcé.

Le 18/11/2021 à 11h31

A peine un mois après sa nomination par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Aziz Akhannouch et plus largement son gouvernement, ont reçu une leçon qu’ils semblent cependant encore réticents à assimiler, au risque de le faire quand il sera trop tard. Un peu à l’image du corbeau dans la fable de La Fontaine, qui dit à la fin, et c’est là tout le malheur de l’histoire: «le Corbeau honteux et confus, jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus».

Cette leçon est pourtant bien simple. Quand l’opposition n’est plus dans l’hémicycle parlementaire, elle ne disparaît pas pour autant, elle investit la société civile, la rue et avant tout l’imaginaire des gens.

Le nouveau gouvernement semble donc à sa grande surprise découvrir que l’hégémonie politique dont il jouit, car il est bien question ici d’hégémonie (chambre des représentants et des conseillers, régions, communes, chambres professionnelles…), ne suffit pas à faire de la politique un long fleuve tranquille.

La communication ou plus précisément la non-communication à coup de «stratégie de choc» et de «fenêtre d’Overton» comme pour l’application du «Pass vaccinal» et de la gestion de la pandémie plus globalement, finit par perdre de son efficacité tout en consumant la crédibilité du politique.

Le peuple se rigidifie, se polarise et finit par développer une résilience. La crédibilité n’est plus au rendez-vous. Le peuple n’y croit pas plus, et n’y croira plus, et ce peu importe la thématique ou le sujet.

L’éphémère enthousiasme que l’on a pu ressentir ici et là suite à l’annonce d’un Nouveau Modèle de Développement, du départ du gouvernement d’El Othmani et de la nomination d’une nouvelle équipe présentée comme un vivier de compétences technocratiques, semble s’être estompé, au profit d’un nihilisme institutionnel de plus en plus prononcé.

Un nihilisme annonciateur d’une nouvelle dialectique, celle d’une dynamique divergente, mettant en scène ce que certains pourraient qualifier de sécession des élites d’un côté, et d’un nouveau vitalisme politique et populaire de l’autre.

Car le peuple veut désormais être entendu et respecté. Car la nation s’est souvenue qu’elle est souveraine comme le rappelle la Constitution dans son article 2: «la souveraineté appartient à la Nation qui l’exerce directement, par voie de référundum, et indirectement, par l’intermédiaire de ses représentants».

Car les gens ne veulent plus être interpellés une fois tous les 4-5 ans, puis snobés et ignorés le reste du temps.

Le gouvernement doit donc impérativement comprendre que concernant l’hégémonie, là où il voit un privilège et un butin politique, il s’agit d’y voir un fardeau et une responsabilité. De comprendre que sa légitimité ne peut se fonder uniquement sur les urnes, mais sur une adhésion importante et inscrite dans la durée d’une population, qui réclame une communication et une politique qui respecte sa dignité et sa souveraineté.

Il en résulte qu’avant de parler de nouveau modèle de développement ou de nouveau pacte social, il s’agirait plutôt de penser une nouvelle réconciliation. Le peuple n’attend que ça, qu’en est-il de l’élite politique? 

Par Rachid Achachi
Le 18/11/2021 à 11h31