El Othmani, cet apprenti diplomate…

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ChroniqueUn contre-argumentaire qui dure 6 ans, ça s’appelle une position, Monsieur El Othmani. Je dis ça je dis rien, comme dirait l’autre.

Le 02/09/2021 à 09h00

Il y a de cela quelques jours, invité par le site d’information Hespress pour le premier épisode de «La voie vers les élections de 2021», Saâd-Eddine El Othmani, notre chef du gouvernement en sursis, fut soudainement pris d’une nostalgie pour son précédent poste de ministre des affaires étrangères. Un mandat tristement célèbre et épisodique au sens propre comme au figuré, qui n’a duré en tout et pour tout qu’un an, neuf mois et sept jours. 

En effet, lors de cette émission, ne jugeant pas utile de renvoyer le journaliste qui l’interviewe vers le ministre des affaires étrangères, El Othmani affirma sans sourciller concernant le soutien du Maroc à la cause Kabyle que «c’était la réaction de l’Ambassadeur représentant permanent du Royaume aux Nations Unies. Il ne s’agit pas d’une position politique qu’il a exprimée, mais plutôt une réaction contre-argumentaire. Si vous dites cela, nous disons ceci. Mais, ce n’est pas une position politique du Maroc».

Il fait ici référence à la réponse de l’ambassadeur permanent du Royaume du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, lors d’une réunion des pays membres du Mouvement des non-alignés (MNA) qui s’est tenue le 15 juillet.

Ainsi, on apprend en partant de la fine compréhension de notre chef du gouvernement quant aux questions extrêmement complexes dans les relations internationales, qu’un représentant permanent auprès de l’ONU peut improviser, contre-argumenter à sa guise, ou encore accentuer des tensions avec le voisin algérien juste pour le plaisir de contre-argumenter, juste pour le «fun» diront les jeunes.

Or, s’il est juste d’affirmer que l’inversion accusatoire fait intrinsèquement partie de la réponse de Omar Hilale, cela ne devrait aucunement occulter le fait que cette position ne date pas d'hier. Puisque comme il m’est arrivé de le rappeler dans une précédente chronique, «Faut-il jouer la carte Kabyle?», en 2015 déjà, Omar Rabi, conseiller à la Mission diplomatique du Maroc à New York, réclamait de la communauté internationale d’accompagner le peuple kabyle dans son aspiration à accéder à ses «droits légitimes», à «l’autodétermination» et à «l’autonomie». Un contre-argumentaire qui dure 6 ans, ça s’appelle une position, Monsieur El Othmani. Je dis ça je dis rien, comme dirait l’autre.

Maintenant reste à savoir s’il s’agit d’une position stratégique ou tactique. Il est évident que vue la position souverainiste du Maroc et son opposition frontale à la logique d’ingérence, l’Etat marocain ne saurait inscrire ce positionnement dans une perspective stratégique. Par contre, au niveau tactique, ayant sanctuarisé à tous les niveaux nos Provinces du Sud, nous pouvons dans un schéma de défense active de nos intérêts déplacer le problème sur le terrain algérien. Non seulement par de la rhétorique, comme le sous-entend Saâd-Eddine El Othmani, mais par un activisme à tous les niveaux, autant médiatique que diplomatique. Car il s’agit d’appuyer là où ça fait mal, et d’appuyer avec le plus de force possible, tant que les généraux algériens s’obstinent à œuvrer contre nos intérêts, sans pour autant réellement défendre les leurs.

Ainsi, en plus de risquer de discréditer notre stratégie diplomatique et au passage l’excellent travail de Omar Hilale, Saâd-Eddine El Othmani a raté à nouveau une occasion de se taire.

Est-il utile de rappeler que le PJD n’en est pas à son premier dérapage diplomatique? Souvenons-nous qu’il y a 5 ans, lorsqu'à peine huit mois après la fructueuse visite de Sa Majesté le Roi à Moscou, l’ancien chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, avait jugé utile d’accuser la Russie de détruire la Syrie et d’y commettre des crimes. Là, on frôle littéralement le sabotage diplomatique. Dans la dépêche publiée par l’Agence de presse Quds press, Benkirane s’interrogeait en disant: «pourquoi la Russie détruit la Syrie de cette façon?».

A notre tour, nous nous interrogeons en disant: «pourquoi le PJD détruit notre crédibilité à l’international?».

Enfin, une dernière anecdote pour la route, et là ça fait littéralement mal aux yeux autant qu’au cœur, juste de visualiser mentalement cette scène, celle du tristement célèbre épisode de la rencontre entre Saâd-Eddine El Othmani et Vladimir Poutine, en octobre 2019 à Sotchi. Lors de cet interminable moment pour tout patriote qui se respecte, mais qui ne dura réellement que quelque secondes, oubliant qu’il est le chef du gouvernement d’une des plus anciennes nations au monde avec un héritage civilisationnel et impérial conséquent, El Othmani avait demandé à Poutine: «connaissez-vous le Maroc?» …Avant de s’en aller l’allure joyeuse, tel un élève de collège qu’un prof aurait envoyé chercher de la craie dans une classe de l’autre côté de la cour de récré.

Cela va sans dire que peut-être dans quelques semaines, cette page risque d’être définitivement tournée si les citoyens en décident ainsi, dans l’intérêt du Maroc, de son économie et de sa diplomatie. Mais pour reprendre les propos du grand Talleyrand: «si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant».

Par Rachid Achachi
Le 02/09/2021 à 09h00