Rarement l’actualité internationale n’a été autant mouvementée que ces dernières semaines. Déclenchement du conflit russo-ukrainien, avalanche de sanctions occidentales contre Moscou, soutien espagnol au plan marocain d’autonomie, victoire de Macron aux présidentielles françaises…
Mais il y a de cela deux jours, un évènement majeur, bien que largement couvert par les médias, ne me semble pas avoir été appréhendé à sa juste valeur.
Il s’agit du rachat de Twitter par le turbulent milliardaire sud-africain, naturalisé américain en 2002, Elon Musk.
44 milliards de dollars est la somme astronomique qui a été déboursée pour s’offrir ce qui pourrait devenir une brèche majeure dans la grande muraille de la pensée dominante et du discours mainstream.
Car depuis l’élection surprise de Donald Trump en 2016, la tant fameuse liberté d’expression dont se targue le monde occidental, n’a eu de cesse de se rétrécir, telle une peau de chagrin, jusqu’à la suppression même du compte Twitter du 45e président des Etats-Unis d’Amérique.
Le coup de grâce fut donné durant la période «Covid», où la lutte contre les «fake news», a pris rapidement la forme d’un «ministère de la Vérité». Qu’il s’agisse de la médecine, de la politique ou de la géopolitique, les médias mainstream décrètent désormais le vrai et le faux, à travers des journalistes érigés en «fact-checkeurs» et en Torquemada de la bien-pensance, autrement dit de la pensée conforme aux intérêts des groupes d’intérêts du monde occidental, avec à leur tête l’Amérique.
«Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique, et réciproquement», disait Charles Erwin Wilson, ancien PDG de General Motors et secrétaire à la Défense dans l’administration du président Eisenhower. Une formule toujours d’actualité, à la seule différence que ce qui est bon pour l’Amérique, est de moins en moins bon pour le reste du monde.
Sur le net, Facebook autant que YouTube et quelques autres plateformes, ont mis ces dernières années un point d’honneur à pourchasser toutes les publications jugées non-conformes à la «Vérité». Une vraie chasse aux sorcières qui n’est pas sans rappeler le Maccarthysme du début des années 1950 aux Etats-Unis.
Ainsi, au nom de la Sainte-Croisade contre les «fake news», le populisme, la Russie et je ne sais quoi d’autre, les géants du virtuel se sont graduellement transformés en auxiliaires, autant des services de renseignement américains que de groupements de grandes multinationales. Edward Snowden est là pour en témoigner, contrairement à Julien Assange, qui passa en quelques années du statut de héros de la liberté à celui de paria du journalisme et de traître. De quoi donner du crédit à des théories qui jusque-là relevaient du complotisme et du conspirationnisme.
Une nouvelle guerre des tranchées, digitale cette fois, semble se dessiner de plus en plus. D’un côté, le géant Meta, sous le commandement du généralissime Mark Zuckerberg. De l’autre, une guérilla digitale, dirigée par le «Che» du net, Elon Musk, bien qu’autant capitaliste que le premier, mais à sa manière. Un affrontement par réseaux interposés entre un milliardaire obéissant et un milliardaire libertarien.
En effet, Musk promet de faire de Twitter un espace de liberté d’expression totale dont la seule et unique limite sera la loi.
Dans son communiqué, Musk affirme que «la liberté d'expression est le fondement d'une démocratie qui fonctionne, et Twitter est la place publique numérique où sont débattues les questions vitales pour l'avenir de l'Humanité». En face, ses détracteurs affirment avec véhémence qu’une trop grande liberté d’expression serait un danger pour la démocratie.
Trouvez l’erreur!
Cependant, loin de remettre en cause la sincérité de Musk, il n’est pas exclu que cette OPA sur Twitter ne soit que la première étape d’un projet beaucoup plus ambitieux. D’un projet politique. N’étant pas né sur le sol américain, Elon Musk ne peut briguer le poste de président des Etats-Unis. Mais il peut, s’il poursuit sur sa lancée, devenir un faiseur de rois, un arbitre suprême dans cette arène politique, dont le fonctionnement électoral est de plus en plus structuré par les algorithmes du net.
Va-t-il réussir? C’est peu probable. Ses adversaires possèdent un arsenal financier, juridique et informationnel sans commune mesure avec Twitter ou Tesla. Ils réussiront toujours à lui trouver des failles juridiques ou financières, des cadavres dans le placard ou des dossiers compromettants, quitte à les fabriquer si nécessaire.
Mais ne dit-on pas que les plus beaux combats sont ceux qui sont perdus d’avance?
Après tout, qui sait?
Comme le disait quelqu’un: «de défaite en défaite jusqu’à la victoire».