Elle s’appelle Naïma. (En fait, elle ne s’appelle pas Naïma. Vous n’imaginez tout de même pas que je vais donner son vrai prénom dans un media électronique qu’on lit partout et même, me l’assurait dernièrement son directeur, jusqu’aux Comores, les fameuses “îles de la Lune”– jouzour al-qamar– d'où lui proviennent parfois des réactions louangeuses ou critiques.)
Mais je m’égare. Revenons à Naïma. C’est ce qu’on appelle une maîtresse femme. Intelligente, instruite, douée d’une volonté de fer, elle fait une carrière remarquée au sein d’un institut d'élite de notre beau pays.
Voici l’histoire qu’elle m’a racontée avant-hier.
Lundi dernier, sur la route de Harhoura, un gendarme m'arrête alors que je suis au volant de ma voiture. J’obtempère puis lui demande très poliment:
– Il y a un problème, monsieur? Je roulais à 70, ma ceinture est bouclée (geste) et mon téléphone portable est dans mon sac, où il dort tranquillement.
Le jadarmi, très courtois, m’affirme que tout va bien mais que j’ai quand même commis une petite moukhalafa. Et de désigner d’un index jadarmique les vitres de mon Audi customisée:
– Ce sont des vitres fumées, ce qui est contraire à la loi et aux règlements. Va falloir abouler d’une amende, médème.
Les bras m’en tombent. Les vitres fumées, c’est une infraction?
Il me le confirme, imperturbable, inflexible, moustachu. Et il ajoute:
– Et d’ailleurs, pourquoi ces vitres fumées? Vous n'êtes pas une vedette d’Hollywood…
Là, il me vexe. C’est quoi, cette remarque? Je réplique sèchement:
– Aux yeux de mon mari, je suis une vedette ma chi ghir d’Hollywood, zid hetta Bollywood.
Là, le pandore tend l’oreille.
– C’est votre mari qui a fait mettre les vitres fumées?
– Oui, mon colonel.
– Mmmmm… Sans doute pour éviter que les hommes ne vous dévisagent insolemment au feu rouge? Pour pas qu’ils vous reluquent?
– Bravo, vous lisez dans le cerveau de mon époux.
L’homme fronce le sourcil, se tapote le menton d’un air profondément méditatif, puis il s'écarte un peu et me dit:
– Allez-y, lalla, reprenez la route. Bonne soirée. Et bien l’bonjour à vot’ mari.
Ni amende ni réprimande. La solidarité masculine avait joué.
Et Naïma de conclure:
– Dans quelques jours, quelque part au Maroc, une femme de gendarme roulera dans une voiture aux vitres fumées…