Hier, en lisant sur mon balcon un roman de Philip Roth intitulé The anatomy lesson, je suis tombé sur la mention d’un poème que le narrateur lisait dans son enfance et qui portait un titre arabe. Intrigué, j’ai fait une petite recherche et découvert qu’il s’agit en fait d’un poème populaire dans les écoles américaines. Je me suis alors amusé à le traduire, en le simplifiant. Voici ce que ça donne:
Abou Ben Adhem se réveilla une nuit et crut rêver encore
Éclairé par la lune, un ange griffonnait dans un livre d’or.
Enhardi par sa douceur, Abou demanda à l’ange radieux
– Qu’inscris-tu dans ces annales? –Les noms de ceux qui aiment Dieu.
– Le mien y figure-t-il? –Non, dit l’ange, on le chercherait en vain.
– Mets-le alors parmi ceux qui aiment leurs frères humains.
L’ange écrivit et s’en fut. Il revint tantôt réveiller notre héros
Pour lui montrer la liste de ceux qui aiment le Très-Haut.
Et voici la merveille qui pour nous doit faire signe:
Le nom de Ben Adhem était sur la première ligne!
Étonnant, non? Par l'intermédiaire d’un musulman fictif, le poète romantique Leigh Hunt (1784-1859) donne une leçon limpide: la meilleure façon d’aimer Dieu, c’est de l’aimer à travers les hommes. Par la charité, par la bienveillance, par la solidarité… Montesquieu fait dire à Usbek dans la 46e de ses Lettres persanes: «Dieu aime les hommes. On est assuré de lui plaire en les aimant aussi».
Gageons que certains, ennemis du genre humain parce que fanatiques, ne seront pas d’accord. D’autres l’adopteront en faisant remarquer qu’il y a quelque chose de soufi là-dedans. (Un lecteur érudit pourrait peut-être nous éclairer sur ce point?)
En tout cas, le système scolaire américain avait intégré cette leçon humaniste dans les années 60. Et si on traduisait le poème en arabe et qu’on le mettait au programme des écoles marocaines?
Ce qui est bon pour les petits Américains n’est pas forcément mauvais pour nos bambins…