Le kif dans la peau

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ChroniqueUne jeune femme débarque dans le Rif, achète du cannabis mais au lieu de se transformer en dealer à la petite semaine, elle en fait un produit tout à fait légal, et bénéfique pour tout le monde.

Le 06/09/2017 à 10h55

Est-ce parce qu’elle vit parmi les Hollandais, ces entrepreneurs hardis, ces grands explorateurs, ces aventuriers qui n’ont pas froid aux yeux (le Brésil, l’Australie, la Tasmanie, ils y étaient avant tout le monde)? Toujours est-il que Fatim-Zahra Kharoubia, dynamique citoyenne d’Amsterdam, flaire les bonnes occasions là où d’autres ne voient que des problèmes.

Tout commence lorsque Fatim-Zahra constate que sa fille souffre d’un eczéma persistant que rien ne semble pouvoir soigner. Elle se souvient alors que dans son enfance on lui disait que l’huile tirée du cannabis (ou huile de chanvre) était bénéfique pour les maladies de la peau. Elle ne fait ni une ni deux: elle se procure un peu d’herbe magique dans un “koffie-shop” (il y en a plein, à Amsterdam) mais au lieu de la fumer comme n’importe quel benêt, elle la distille dans de l’huile chauffée et l’applique sur la peau de la gamine. Les rougeurs et les irritations disparaissent comme par enchantement.

Notre amie se prend alors en conclave et réfléchit longuement. Il se trouve que ses deux grands-pères cultivent le cannabis en le lointain Maroc. Bien obligés, expliquent les deux aïeux: rien d’autre ne pousse ici! (Une anecdote personnelle à ce propos: un jour que je me baladais dans le Rif, au temps de ma jeunesse folle, un cultivateur m’affirma sans ciller que même s’il plantait de la tomate, c’était quand même du kif qui sortait du sol quelques mois plus tard. Les lois de la génétique ne s’appliquent pas au Maroc.)

Fatim-Zahra ne fait ni une ni deux: elle va à la Chambre de Commerce d’Amsterdam, crée son entreprise (ça ne coûte que vingt euros), choisit un logo et vogue la galère! Elle s’envole vers Nador, prend un taxi jusqu’au village de ses ancêtres et s’entend avec son oncle pour qu’il achète à un prix raisonnable toute la récolte du coin. Puis elle monte une coopérative de femmes pour transformer les graines en huile. Revenue aux Pays-Bas, elle prend langue avec des importateurs pour vendre l’huile bénéfique. Tout est conforme à la loi. Et tous en profitent. Édifiant, non?

(On peut d’ailleurs raconter cette histoire autrement: une jeune femme débarque dans le Rif, achète du cannabis mais au lieu de se transformer en dealer à la petite semaine, comme l’aurait fait le premier Bouazza venu, elle le transforme en un produit légal et bénéfique. La femme serait-elle “l’avenir de l’homme”?)

Aux dernières nouvelles, Fatim-Zahra, ayant noté que l’huile de chanvre est riche en omega-3 et omega-6, donc idéale pour les cheveux secs et cassants, songe à créer sa propre marque de shampooing. Après le succès phénoménal de notre huile d’argan, le cannabis sera-t-il notre prochaine success-story? A suivre…

Par Fouad Laroui
Le 06/09/2017 à 10h55