Tout a déjà été dit ou écrit sur la tragique affaire du petit garçon tombé dans un puits, là-haut dans le Rif. Emotion, mobilisation générale, tristesse… Rien à ajouter.
Mais peut-être est-ce l’occasion de traiter d’un sujet qui me tient à cœur –on verra plus loin pourquoi. Combien de petits enfants sont mordus, chaque année, par des chiens féroces? Combien succombent à leurs atroces blessures?
Cet état de choses est incompréhensible… On n’a pas le droit de se promener armé dans la rue. Pourquoi a-t-on alors le droit de parader avec une bête sanguinaire en laisse? Et encore, elle n’est souvent même pas tenue en laisse…
La comparaison avec une arme n’est pas spécieuse. On pouvait lire récemment dans la presse cet entrefilet: «Les éléments de police de l'arrondissement Al-Batha, relevant du district de sûreté de Fès-Médina, ont interpellé hier deux frères multirécidivistes pour leur implication présumée dans le trafic de drogue et dans une tentative d’agression de fonctionnaires de police à l’aide d'un chien féroce».
Face à un homme armé, je n’aurais pas eu aussi peur qu’il y a quelques mois, à Harhoura… Alors que je marchais paisiblement sur la plage, je vis soudain surgir une sorte de gros monstre aux babines retroussées, un dogo argentino d’une taille inhabituelle. Dans ma tête se bousculaient des images d’horreur mêlées de souvenirs historiques ou littéraires: la bête du Gévaudan, le chien des Baskerville… Un petit homme malingre, qui avait l’air d’un gardien de villa avec son bleu de chauffe élimé, retenait à grand-peine, à l’aide d’une corde très mince, l’affreux fauve qui faisait des bonds dans ma direction, les yeux injectés de sang. Si la corde avait cédé, il est certain que je ne serais plus là pour vous raconter la scène.
Quelle chance aurait un petit enfant face un dogue aussi terrifiant?
J’ai connu cette situation. Je me souviens encore de l’année du brevet –je devais avoir douze, treize ans. A Casablanca, rue Pierre Parent, je fus mordu par un chien mauvais qui faillit m’arracher la main droite. Un chirurgien me la recousit à l’hôpital. Je dus apprendre à écrire avec la main gauche pour passer les épreuves du brevet.
Qu’on me comprenne: j’aime les chiens –et les chats encore plus– et les furets également. Je rêve d’avoir un jour un jardin assez grand pour y laisser gambader un golden retriever affectueux et fidèle, qui serait mon meilleur ami. Mais avons-nous besoin de bêtes vicieuses et dangereuses, comme les pitbulls, dans nos rues?
Il y a quelques années, un parlementaire bien avisé (Faouzi Ch.) tenta de faire adopter une loi interdisant l’élevage et la possession de chiens dangereux. Excellente initiative! C’est aussi à cela que doivent servir nos députés: se saisir de sujets qui touchent la vie quotidienne des gens, même s’ils n’ont pas le prestige de la Loi de finances ou des grandes questions géostratégiques.
Qu’est devenue cette loi? Existe-elle? A-t-elle été promulguée? Est-elle appliquée? Un lecteur bien renseigné pourrait-il éclairer notre lanterne?
Au cas où cette loi se serait perdue dans les couloirs du Parlement, un autre député pourrait-il reprendre ce combat? Qu’un enfant tombe dans un puits ou qu’il soit mordu à mort par un chien, la tragédie est dans les deux cas effroyable.