Évidemment, le Maroc ne s’est pas qualifié pour l’Euro de football: il ne fait pas partie de la zone concernée. Pas d’équipe nationale, pas de passion ! Pour nous, regarder les matches de l’Euro, c’est un peu comme boire de l’eau tiède : il nous manque l’hystérie patriotique, l’insulte faite à l’arbitre, l’exubérante mauvaise foi de celui qui agite le drapeau de son pays et voit des penalties partout – sauf contre son camp. Même un Allemagne-Italie ne suscite chez le tifosi marocain qu’un intérêt poli. Ah ouais, il est pas mal, ce Müller…
- Pas mal ? Il a driblé toute l’équipe adverse, fait un triple salto arrière et marqué du nez en chantant une aria de Mozart !
- Ouais, ouais, pas mal (bâillement).
Ici, on aurait pu s’enflammer pour l’équipe hollandaise mais les “Orange“ ont eu le mauvais goût de ne pas se qualifier pour la phase finale. Alors quoi? On ne va quand même pas se faire gallois ou tchèque. Tchèque et mat, ça ne convainc personne.
Reste la Turquie. Eh oui, eux. Je ne dois pas être le seul ressortissant chérifien à avoir décidé, pour des raisons pas très claires, d’encourager la Turquie, de se faire Ottoman comme d’autres se font plaisir, de hurler “vas-y, tire !“ devant sa télé dès qu’Arda Turan s’approche du but adverse. Tout allait bien, je m’étais trouvé une patrie de substitution quand soudain…
Soudain, Erdogan! Cet homme, président de la République fondée par Atatürk, a proféré une bêtise monumentale, la semaine dernière. Une ânerie digne d’un troupeau d’equus asinus. Voilà, verbatim, l’ineptie: «Il faut que les femmes turques fassent chacune au moins trois enfants.»
Notez le chiffre trois. Tout le monde sait que le chiffre magique, c’est 2. Au-delà, la population s’accroît inexorablement. La Terre croule déjà sous le poids de la surpopulation, la nature recule partout, la pollution s’étend. Un continent de déchets plastiques flotte quelque part dans le Pacifique. Tout chef d’État responsable devrait donc recommander à ses concitoyens de faire au maximum deux enfants. Pas l’Erdogan : plus il y a de Turcs, mieux c’est, semble-t-il penser (si on peut appeler ça penser). Il se fiche bien de la Terre, de la forêt qui disparaît, des lions et des tigres qu’on décime. Cet homme qui se présente volontiers comme moderne et éclairé n’est donc qu’un macho ignorant, hélas. Il n’a rien compris à la tragédie que vit la planète. Ce n’est pas avec des Erdogan qu’on la sauvera.
Du coup, j’ai cessé d’être Turc: il y en a bien assez comme ça. Je regarde en Marocain des matches du genre Pologne-Ukraine, affalé dans mon sofa, la bouche légèrement entr’ouverte, le sourcil morne, la tête ailleurs. Je ne suis plus du tout concerné par l’Euro. Merci, Erdogan! Quelle déception que cet homme…