Il paraît que le Maroc fait partie des pays qui gaspillent beaucoup de nourriture. On nous sort des graphiques, on nous fourre des chiffres sous le nez (attention à ne pas les avaler, ce serait une autre forme de gaspillage...), on nous montre moult tableaux colorés.Il suffit de réfléchir un peu pour se rendre compte qu’il y a un sérieux problème avec la méthodologie de ces études.
Certes, il est choquant de soulever le couvercle d’une poubelle et d’y découvrir des denrées parfaitement comestibles, parfois encore enveloppées dans leur emballage d’origine. Oui, c’est choquant. Quand j’étais petit, un de mes profs nous avait dit en classe que le contenu des poubelles de New York pouvait nourrir toute l’Inde. L’assertion était sans doute exagérée mais il n’y a rien de tel qu’une exagération pour marquer un cerveau d’enfant. Encore aujourd’hui, quand je vois Trump à la télévision, je pense au village indien que son immense poubelle pourrait entretenir.
Donc, certes, tout cela est choquant mais, et c’est ici un scoop de Le360.ma, il y a une erreur de méthodologie dans cette histoire.
Pour bien nous faire comprendre (je me rends compte qu’il faut être très pédagogique quand on publie sur le Net vu le grand nombre de gens prêts à déclencher une campagne de presse dès qu’ils n’ont pas compris ce que l’auteur veut dire...), prenons un bonhomme lambda, le chariot de supermarché qui contient les courses qu’il vient de faire, ainsi qu’une poubelle.
Une partie A des courses finit dans la panse du monsieur, le reste (B) finit dans la poubelle. Et nos scientifiques baptisent gaspillage cette partie B.
Pourquoi? Pourquoi seule cette partie est-elle ainsi baptisée?
Supposons que le monsieur, qui est un goinfre, ait déjà dévoré deux poulets pour son déjeuner. Repu, il jette le troisième, qui atterrit donc seul dans la partie B. Mais le deuxième poulet n’était-il pas aussi du gaspillage? Et même le premier si notre glouton avait aussi englouti un kilo de frites?
Le vrai gaspillage, ce n’est pas seulement ce qui est dans les poubelles mais c’est aussi ce qui est dans nos estomacs et qui n’a rien à y faire.
Cette méthodologie souffre également d’un autre défaut: elle considère qu’il n’y a que l’espèce humaine qui vaille quelque chose. Or, une partie de B finira dans le ventre des chats errants, qui nous valent bien. Du point de vue des chats, il n’y a là nul gaspillage; du point de vue des rats (pardon si vous êtes à table), encore moins. Et si on juge tout à l’aune de ce que veut la bactérie, qui recycle nos déchets, alors rien n'est jamais gaspillé, ni au Maroc ni ailleurs.
En résumé, tout est gaspillage et rien n’est gaspillage. Etonnant, non?