L'île de Timor se trouve dans l’archipel indonésien. Ledit archipel eut le malheur d'être colonisé par deux puissances européennes: les Pays-Bas et le Portugal –comme le Maroc, qui fut divisé pendant un demi-siècle entre la France et l’Espagne. (C’est d’ailleurs pour cela que je me suis intéressé à Timor. Il y a un parallèle intéressant et instructif à dresser entre ce bout de terre et le Sahara marocain.)
Les Portugais occupèrent la partie orientale de l'île pendant quatre siècles puis s’en allèrent en 1975, après la romantique Revolução dos Cravos, la “Révolution des œillets“. (Vous vous souvenez du capitaine Otelo de Carvalho, le Che portugais? Ah, notre jeunesse…)
L’Indonésie, qui avait arraché son indépendance aux Hollandais en 1949 après des siècles de colonisation, étendit naturellement sa souveraineté sur la partie de l'île qui venait d'être évacuée par le pays du fado. Tout est bien qui finit bien? Non. Certains autochtones de Timor, devenus eux-mêmes un peu portugais –on apprenait la langue de Pessoa à l'école– n’avaient pas envie de se mettre au bahasa indonesia. Ils fondèrent un mouvement d’indépendance. Vive le Timor-Leste libre!
C’est là qu’entrèrent en scène quelques ONG et tous les pleurards et les rêveurs à nacelle de la planète. Ils créèrent des groupes de soutien à la República Democrática et se mirent à dire pis que pendre des Indonésiens, ces pelés, ces galeux… Ils n’avaient pourtant fait que parachever leur délivrance du colonialisme; et c’est eux qu’on accusait maintenant d'être des colonialistes! Ulcérés, ils quittèrent la partie orientale de Timor, devenue en 2002 État indépendant. Hourra!
Et puis Timor disparut.
Non pas que l’île eût été engloutie par les flots, mais sa partie Est, ce nouveau et minuscule État, devint promptement le pays le plus pauvre d’Asie. La moitié de sa population est au chômage. Ne produisant pas grand-chose, les Timoriens regardent, dépités, l’Indonésie devenir une des puissances économiques de la planète. Les plus entreprenants d’entre eux émigrent… vers l'Indonésie!
Ironie de l’Histoire: c’est maintenant le bahasa indonesia qui est la langue de travail de la maigre administration timorienne. En effet, la Constitution de Timor reconnaît une bonne dizaine de langues dont le galoli, le habu, le kemak, le fataluku, le bunak, le makasai, etc. Ce n’est pas un peuple, ça, ce sont des tribus. Seule la langue dont on n’avait pas voulu en 1975 arrive à créer un semblant d'unité…
Aujourd’hui, quand je vois des ONG, des groupes de soutien, des étudiants, en Europe ou ailleurs, s’agiter pour l'indépendance d’un bout de désert à des milliers de kilomètres de leur lit, j’ai envie de leur dire: “à quoi bon? Vous aviez réussi à dégoûter l’Indonésie, qui a abandonné Timor. Et puis il a disparu des radars. Vous êtes contents de vous? l'Indonésie prospère. Qui se souvient de Timor?”