Chaque semaine nous apporte son lot d'illustres défunts et nous voilà tous, pression médiatique oblige, à nous recueillir virtuellement sur la tombe d'Untel ou d'Unetelle.
Il y a deux semaines, nous avons enterré en chœur, vous en souvient-il, l'actrice Mireille Darc. On guette Alain Delon et Jauni Halidé. Qui va clamser le premier? En tout cas, les manchettes sont déjà prêtes, les nécros sont dans les tubes, prêtes à déferler sur le vain peuple. "Le dernier des grands, l'idole, l'icône, etc. Il nous faisait rêver."
Oh les gars, on se calme?
Pourquoi pas "Il donnait un sens à notre vie"?
Tous ces gens ne faisaient que leur boulot et plutôt mal que bien. C'est de la musique, les éructations de Jauni? À côté d'une cantate de Bach, ça vaut quoi? Moins l'infini? Et ses vantardises de gros consommateur de cocaïne, il ne s'en cache même pas, le bougre, bel exemple pour la jeunesse!
Et Delon, le proto-facho? Une seule expression faciale (il l'arbore pendant une heure et demi dans "Le samouraï", on a envie de le gifler...), une belle gueule, certes, mais il est né comme ça, il n'a rien fait pour. En revanche, il aurait pu utiliser sa fortune et sa notoriété pour moins fortuné que lui. Tu parles! Il s'est contenté d'apporter plus ou moins ouvertement son soutien à Le Pen, voilà en gros jusqu'où est allé son engagement. Les orphelins ou les handicapés attendront.
Et gageons que si un de ces footballeurs qu'on achète à coup de centaines de millions de dollars avalait une cacahuète de travers et s'en allait jouer au foot, là-haut, avec les anges, le monde entier prendrait le deuil.
Ce mois-ci, on a commémoré jusqu'à la nausée la mort de Diana, il y a vingt ans, mais qui s'est souvenu que mère Teresa s'était éteinte le même jour, ou presque? Qui a commémoré le souvenir de cette sainte femme qui avait consacré sa vie aux pauvres de Calcutta?
Assez!
Je lance ici le mouvement "Les morts qui comptent vraiment". Adhérez en masse, ami(e)s. C'est gratuit.
La prochaine fois que la presse se lancera dans une campagne indécente de commémoration d'un ancien sportif ou d'une actrice d'antan, à moins que ce ne soit celle d'un bandit (oui, on leur consacre aussi des nécros, j'ai lu dans un hebdo anglais celle d'un truand qui avait commis "le hold-up du siècle"...), eh bien, ce jour-là, camarades, décidons de nous souvenir de l'infirmière Hlima ou de l'instituteur Lahcen ou de cette Mme T. qui a créé un orphelinat à Casablanca, bref toute personne qui serait morte le même jour, totalement anonyme, après une vie consacrée aux autres.
Quand on nous dira: "T'as vu, Tartempion l'acteur a passé l'arme à gauche, quelle tristesse", nous répondrons:
"Ne m'ennuie pas avec la mort de Tartempion! Je suis occupé à honorer la mémoire de l'infirmière Hlima."