Jeudi dernier, 7 Janvier, le vol AT850 de la RAM. A cause des pluies diluviennes qui se sont abattues dans la nuit sur la région de Casablanca, ma sœur a toutes les peines du monde à me conduire de Dar Bouazza à l’aéroport Mohammed-V. Deux heures et demi de calvaire, de flaque en flaque, d’embouteillage en déviation, avec une traversée au jugé de quelques quartiers dont j’ignorais jusqu’au nom.
Quand j’arrive au guichet, le check-in est terminé –depuis 2 minutes. Le préposé est calme et poli mais intraitable: quand c’est fermé, c’est fermé. Impossible de le rouvrir. (“C’est électronique.”). Je lui demande alors qui est la personne en charge de toutes les opérations d’embarquement, il me désigne “la dame en beige“ –ce sont ses mots– qui se tient debout dans le hall, un portable à la main.
Elle aussi est très polie mais elle reste inflexible: le check-in est clos, point. Un jeune couple de Marocains des Pays-Bas (plus à l’aise dans la langue de Cruyff que dans celle de Hamid Zahir) s’est joint à moi. Je leur explique la situation. Lui est au bord de la crise de nerfs, elle se met à pleurer.
Je me souviens alors que j’ai eu un ordre de mission pour venir au pays. Je ne l’ai pas sur moi mais un coup de fil à qui de droit et la dame en beige donne des ordres pour qu’on m’enregistre malgré tout. C’est alors que le couple se presse tout contre moi en grommelant:
–On est avec lui!
Regard interrogateur de l’autorité. Je suis pris en sandwich entre les deux époux et ne peux donc qu’acquiescer. Nous passons tous les trois les divers contrôles comme si nous n'étions qu’un seul corps.
Dans l’avion, il appert que les tourtereaux ne sont pas à côté l’un de l’autre. Pas de problème, les deux places à droite de la mienne (la 22A) sont vides. Ils viennent s'y installer malgré les consignes –chacun doit occuper le siège qui est indiqué sur sa carte d'embarquement.
Et c’est alors que se produit l’incident. Le jeune homme, qui est une sorte de colosse, s’assoit près de moi et me comprime contre le hublot alors que sa fluette femme prend l’autre siège, dans lequel elle flotte. Je propose alors au colosse de changer de place avec Mme, ainsi nous aurions tous assez d’espace pour nous mouvoir et respirer. Il peut bien me rendre ce service: après tout, c’est grâce à moi qu’ils sont dans ce fringant B-737. Si je ne leur avais pas rendu ce service, j’aurais eu toute la rangée pour moi tout seul.
Il me regarde l’air furibond comme si j’avais proféré une insanité et aboie:
– Ma femme ne s’assoit pas à côté d’un homme!
Tel que.
Attends, c’est bien ces deux-là qui se serraient contre moi comme des bigorneaux –au diable, la distanciation sociale– quand il s’agissait de passer par le fast-track qui m’avait été ouvert par la dame en beige?
Le gars reste donc à ma droite et se répand peu à peu sur moi. Je respire à peine. Heureusement que le vol n’a duré que trois heures sinon j’aurais été bidimensionnel à l’arrivée.
J’aimerais bien trouver une conclusion à ce billet mais je n’y parviens pas. Est-ce moi qui n’ai pas bien évalué la situation? Ai-je commis un impair? Ou est-ce lui qui a fait preuve d’ingratitude? Bien sûr, s’il s'était agi d’un couple d’un certain âge, ‘traditionnel’, en djellaba, je ne leur aurais rien demandé. Mais il s’agissait de deux jeunes à l’allure moderne. Alors, quoi?
Je n’arrive pas à comprendre.