Pour une fois je ne suis pas d’accord avec mon ami Karim Boukhari sur l’affaire des Français du Maroc ayant voté Marine Le Pen. Je donne mon avis espérant enrichir le débat. Cette dame a hérité de son père tant de haine, tant de ressentiment, tant de malice où se dissimule un racisme profond mais maîtrisé, un mépris réel mais contrôlé, que son parti a réussi a rassembler une grande partie de Français prêts à jeter à la mer –s’ils le pouvaient– les étrangers, immigrés légaux ou de passage. Il y a juste 20 ans, n’oublions pas qu’à la fin d’un discours de Jean-Marie Le Pen où il a désigné les immigrés maghrébins comme les responsables du chômage en France, un de ses disciples a jeté à la Seine un Marocain de 29 ans qui ne faisait que passer par là. Il s’appelait Brahim Bouarram. Cet attentat raciste avait fait du bruit. Mais l’esprit et la volonté de nuire aux immigrés maghrébins ou du moins les montrer du doigt est toujours là.
Après les tueries de Mohamed Merah, un Français d’origine algérienne, né le 10 octobre 1988 à Toulouse, tueries qui ont fait 7 morts dont 3 enfants juifs (22 mars 2012), Marine Le Pen a fait plusieurs fois cette déclaration : «des bateaux, des avions arriveront bientôt en France pleins de Mohamed Merah…»
Voter Le Pen aujourd’hui, qu’on soit installé à Strasbourg ou à Marrakech, est un acte politique d’une grande gravité. On ne choisit pas entre deux partis républicains, un de gauche, l’autre de droite, on choisit d’épouser et d’assumer le fond raciste et violent d’un parti qui fait croire aux Français que la solution viendrait d’un bon débarras des étrangers sur le sol de France. Voici ce que Marine Le Pen a déclaré dans son discours du 17 avril dernier : «Derrière l’immigration massive, il y a la délinquance, derrière l’immigration massive, il y a l’islamisme, derrière l’immigration massive, il y a le terrorisme…» Ainsi derrière chaque immigré, il y aurait « un soldat de haine». C’est une obsession de père en fille.
Il paraît que les Français sont des gens cartésiens, logiques et cohérents. Les 750 Français vivant au Maroc qui auraient voté pour Marine Le Pen aux élections présidentielles devraient être cohérents avec eux-mêmes et rentrer au plus tôt dans leur pays où ils ont souhaité la victoire d’un parti xénophobe, anti musulman et pas très correct avec les Arabes. Même si le Maroc est avant tout un pays hospitalier, généreux et ouvert, il exige par ailleurs d’être respecté. Or voter Le Pen est une insulte pour les Marocains immigrés en France. Il ne passe pas un jour sans que Marine Le Pen et ses équipes ne chargent les immigrés de tous les maux. Par immigrés, ils désignent principalement ceux venus du Maghreb, ce qui explique que l’écrasante majorité des rapatriés d’Algérie sont des lepénistes. De toute façon ils ne font pas de distinction entre Algériens, Tunisiens et Marocains. Tous perçus comme des «envahisseurs» venus en France profiter des allocations familiales, du service public de la santé et de l’éducation. A aucun moment les lepénistes ne reconnaissent que ces immigrés sont là pour travailler, consomment et payent leurs impôts. Ce ne sont ni des envahisseurs ni des parasites.
Marine Le Pen entretient une confusion entre les enfants issus de l’immigration, qui sont des citoyens français, avec leurs parents qui sont venus d’ailleurs. Toujours garder à l’esprit ce qu’elle a déclaré au lendemain de l’affaire Mohamed Merah.
Parmi les éléments au sein de l’appareil du parti de Marine Le Pen, un Egyptien, Jean Messiha. Son prénom d’origine est Hossam. De père copte, il a fait de brillantes études en France où il est arrivé à l’âge de huit ans, puis il s’est reconnu dans le discours anti musulman du Front national. Cet intellectuel est devenu un des cadres importants du parti. Ce qui l’a fait remarquer c’est son obsession de l’islam et des musulmans. Ainsi, il explique en quoi « l’islam est incompatible avec la République » et comment les cinq millions de musulmans en France peuvent être assimilés au terrorisme. Bref, il charge les musulmans des maux que certains Français aiment entendre. Marine Le Pen oppose la société française à une autre (musulmane) dite «conquérante» qui «rêve d’installer définitivement ses règles à la place de celles de la République».
Le programme de Marine Le Pen envisage de supprimer le «droit du sol» et l’acquisition de la nationalité par mariage ; elle instaurerait aussi «la préférence nationale», car elle prétend que les immigrés prennent le travail des Français et «circulent dans les transports publics sans payer leur ticket».
Quand on n’aime ni les Maghrébins ni les musulmans et qu’on habite dans un pays comme le Maroc, la cohérence veut qu’on fasse ses valises et qu’on s’installe dans un pays qui voue tant de haine à ces communautés. Le Maroc ne jouera pas au FN. Il ne demandera pas l’expulsion de ceux qui y vivent en sécurité de le quitter. Mais que ceux qui ont peur de l’islam et des Arabes s’en aillent. Ce serait logique et sain. Qu’ils viennent rejoindre les 7 millions d’hommes et de femmes qui ont fait confiance à Marine Le Pen car elle leur a promis de fermer les frontières, de renvoyer chez eux les immigrés qui ont perdu leur travail, d’interdire l’abatage des animaux selon le rite religieux (il n’y aurait plus de viande halal ni casher), de priver certaines familles des allocations familiales etc. Même si elle n’appliquera pas cette politique de la haine et d’exclusion, son intention est claire : moins d’Arabes et de musulmans sur le sol français.
Un ancien résistant contre le fascisme vient de déclarer : «Le Pen c’est toute la négation de tout ce pourquoi nous nous sommes battus» pendant la guerre et l’occupation.
De toutes parts ce parti est désigné comme le malheur non seulement de la France mais de la coopération avec les pays du Maghreb.
Plus que jamais que ceux qui ont voté ou s’apprêtent à revoter pour Marine Le Pen, tout en profitant de la belle vie dans notre beau pays, qu’ils soient cohérents avec eux-mêmes et qu’ils en tirent les conséquences qui s’imposent.