«– Alors mon ami, t’as vu, le peuple n’a pas mal réagi; pas de manifestations de protestation, pas de colère, pas de drapeaux américains et israéliens brûlés, rien!– Mais un sit-in devant le parlement a été interdit par la police.– Ah, quand même, la police aurait dû laisser ces gens exprimer leur mécontentement.– Oui, tu as raison, cela aurait donné plus de crédibilité à la démocratie naissante. Le peuple marocain est sage, mais il n’est pas dupe. Il sait que ce qu’il vient de se passer est historique et que tôt ou tard, cela se traduira par des retombées économiques et même par une résolution pacifique du conflit entre les Palestiniens et Israël.– Tu penses que le Marocain pauvre sera moins pauvre quand les Américains investiront au Sahara?– D’abord, dès qu’on sera débarrassé du virus, le tourisme reprendra, en particulier celui des 700.000 juifs d’origine marocaine. Ensuite, l’Amérique a promis un investissement de 3 milliards de dollars. Par ailleurs, déjà de grosses productions américaines ont choisi le Maroc pour le tournage de leurs films.– Oui, d’accord, mais d’après toi, il y aura moins de pauvres?– Si le Maroc parvient à avoir la paix, que l’Algérie reconnaisse la réalité politique et historique, si dans ce pays le mouvement de manifestations parvient à faire plier les généraux et qu’un début de démocratie voie le jour en acceptant l’organisation d’élections libres et transparentes, je suis certain que cela profitera aux Marocains en général et aux plus défavorisés en particulier. Je dirai même que L’Union du Maghreb renaîtra de ses cendres.– Il y a beaucoup de «si» dans ton histoire. Et puis, il faudrait un miracle pour que les généraux se rendent à l’évidence et laissent le pouvoir à la société civile…– Tu as raison, mais nous n’allons pas avancer tout en ayant les yeux fixés sur l’Algérie.– Mais c’est elle qui est obsédée par le Maroc. Je parle toujours des militaires. Tu verras, de plus en plus de pays qui avaient reconnu «la république sahraouie», vont se rendre compte qu’ils s’étaient trompés et ils reviendront à la raison et à la logique politique et historique.– Pour cela il faut que le Maroc ait un bon système de lobbying; il n’a qu’à faire comme l’Algérie: payer des influenceurs pour vendre la vérité historique marocaine. Il y a même en ce moment un sénateur républicain payé par l’Algérie qui est en train de vouloir annuler la décision de Trump. Mais il n’a aucune chance d’y arriver.– Tu sais, pendant longtemps, le Maroc était tellement sûr de sa vérité historique qu’il a négligé de l’expliquer à plusieurs pays. Il s’était dit: j’ai raison, c’est aux autres de venir vers moi et vers la vérité.– Il a été paresseux et naïf?– Les deux. Je me souviens de l’époque où le ministère de l’Intérieur invitait, tous frais payés, des journalistes peu regardants sur la déontologie, mais qui n’étaient pas crédibles dans les milieux de la presse internationale. Il faisait fausse route. La communication est une science, avec des stratégies, des plans, de la pensée.– Mais est-ce que cette politique a changé?– Oui, Sa Majesté Mohammed VI est un chef d’Etat moderne; il a compris ce qu’il fallait faire et il a commencé par réconcilier l’Afrique avec notre pays. Ensuite, sa diplomatie s’est modernisée et il a travaillé de manière plus intelligente, plus subtile, donc plus efficace.– Pourtant l’Algérie n’a jamais cessé de soutenir le Polisario.– Les généraux d’aujourd’hui ont hérité cette mauvaise affaire de l’ère Boumédiène, et ils ont continué à dépenser l’argent du peuple en soutenant une cause artificielle. Ils ont fait de Tindouf, ville au demeurant marocaine jusqu’en 1934, annexée à l’Algérie, à l’époque département français, un camp de réfugiés qu’ils exhibaient aux visiteurs occidentaux. En 2018, Le Maroc a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran.– Je ne vois pas le rapport avec l’Algérie et notre Sahara?– L’Iran a dépêché des instructeurs du Hizbollah libanais à Tindouf pour former et entraîner des éléments du Polisario. Au Liban, le Hizbollah est une armée puissante, plus puissante que l’armée nationale, et défend les intérêts de l’Iran non seulement au Liban mais aussi en Syrie où il a participé aux côtés de Bachar à faire la guerre aux opposants au régime syrien!– C’est grave! Il faut que ce conflit s’arrête!– C’est ce que tout le monde souhaite, y compris l’écrasante majorité du peuple algérien qui souffre d’autres problèmes.– Et Israël dans tout ça?– Sache que c’est l’Etat le plus puissant du monde, militairement, politiquement et aussi scientifiquement. Il est terriblement injuste avec les Palestiniens, je sais, mais peut-être que les pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec lui, finiront par le faire céder jusqu’à obtenir justice pour le peuple palestinien. Ça ne se fera pas tout de suite, mais avec le temps, il y a des chances pour que ce conflit trouve une issue. Mais tant que la droite dure est au pouvoir, la politique israélienne ne changera pas. Netanyahu est menacé de plusieurs procès pour corruption, mais le système électoral est tel, qu’il parvient à se maintenir à la tête du gouvernement.– Tu es optimiste.– Il le faut. Sinon, sans optimisme, il n’y a pas d’espoir, et sans espoir, la vie devient amère et très pénible. Je crois que j’ai répondu à tes questions. On arrête là et on attend de voir ce qui va se passer. C’est passionnant la politique.– Oui, c’est pour cela que j’aime te poser des questions.»
Le 21/12/2020 à 11h00