Je viens de lire un article sur La PDG de la firme belge Chimiste Solvay, au chiffre d’affaires de 10 milliards d’Euros, 25.000 salariés dans 64 pays. Cette firme est dirigée par Ilham Kadri, 51 ans, Franco-marocaine. Elle rappelle que sa grand-mère, analphabète, lui faisait l’éloge de l’éducation: «pour une fille, il n’y a que deux issues: la maison du mari ou le cimetière…». Ce portrait est paru dans le Journal du Dimanche d’hier.
D’un côté, j’ai senti une fierté en lisant cet article. De l’autre, un regret qui va au-delà du cas de cette jeune femme. Chacun son destin. Pourtant, on se dit souvent entre nous, que le Maroc a des potentialités énormes, mais qu’elles sont mal utilisées, ou carrément ignorées. Ces derniers mois, en regardant la télé française sur la crise sanitaire, j’ai remarqué que le nombre des professeurs de médecine d’origine marocaine, en tout cas maghrébine, était impressionnant. Je ne parle pas du simple médecin généraliste, je parle de professeurs.
Et puis, on pense à ces cerveaux qui rendent d’immenses services à la recherche et à la science qui travaillent dans des laboratoires américains ou européens. Ils sont marocains, en tout cas originaires d’un pays arabe.
Je me suis dit, comme dans un rêve: et si le Maroc décidait de demander à ces milliers de cerveaux de revenir au pays, de bénéficier du même salaire et des mêmes conditions de travail? Et si on faisait juste un essai. Le pays a besoin d’eux. Et dans une certaine mesure, disons psychologique, eux aussi ont besoin de la terre natale. Comment réussir cette opération miracle?
Un ami à qui je faisais part de cette hypothèse m’a donné une réponse qui m’a laissé sans voix: il existe là, sur place, dans ce pays, des intelligences, des cerveaux, des compétences de haut niveau, mais ils sont souvent soit mal utilisés, mal payés, soit négligés ou même méprisés. Si l’Etat marocain décide de devenir «un chasseur de têtes», de manière scientifique, s’il accepte de payer le prix de ces têtes exceptionnelles, s’il met de côté l’arrogance de l’administration où des médiocres donnent des ordres à des ingénieurs, des chercheurs, des hommes et des femmes de science, il pourra récupérer de quoi changer la face du pays.
Il a raison. On n’a qu’à voir comment les citoyens marocains ont affronté la pandémie. On voit là, à cette occasion, les richesses humaines inouïes qui sont à portée de main, mais qu’on n’utilise pas à bon escient.
Je me souviens d’une scène où un homme d’autorité, très imbu de lui-même, insultait un ingénieur qui avait osé le contredire. Le pouvoir, quand il arrive entre les mains de certains hauts fonctionnaires, qui cachent leur incompétence par la vulgarité caractérisant leur manière de l’exercer, devient un frein au développement et surtout un barrage pour la constitution de l’Etat de droit.
Que de cerveaux, rentrés après leurs études, puis repartis presque en courant à cause d’une bureaucratie stupide ou d’un salaire minable!
On sait que l’intelligence marocaine se manifeste à travers le monde dans une diaspora qui reste malgré tout attachée à son pays! J’ai assisté, il y a quelques années à Amsterdam à une fête, qui, à ma connaissance n’existe qu’aux Pays-Bas: plusieurs ministères ont réuni dans une salle de fête les quatre cents talents d’origine étrangère. Il y avait là une majorité de Marocaines et de Marocains. Des professeurs de médecine, des PDG de société, des ingénieurs dans des domaines différents, des artistes, des écrivains, des danseurs, des hommes de théâtre, etc.
La Hollande fête les fils d’immigrés qui ont réussi. Le pays d’accueil, ou le pays où ils sont nés, les considère et les célèbre.
On se dit, tant mieux pour ces cerveaux, jeunes et dynamiques. On aurait aimé que cette fête fût transmise en direct sur l’une des chaînes nationales de télévision. Juste pour info.