Samia Tawil est d’abord une voix, chaude et vibrante, forte et subtile. Ensuite c’est une énergie, une magnifique volonté d’être là, de partager le chant et la danse, de donner envie de bouger, de sortir de la routine et de la rejoindre sur scène. Elle allume le feu symbolique de la vie, de la fureur de vivre et de la joie. Elle est d’ici et d’ailleurs.
En la regardant, en l’écoutant je me demandais quelle différence entre Samia et Rihanna par exemple ? Certes, elles viennent de mondes différents mais sur scène, elles accomplissent le même miracle, celui d’entraîner dans leur sillage un grand public jeune.
La différence viendrait plutôt des coulisses du showbiz. L’une a derrière elle une usine à fabriquer et vendre une idole, l’autre a sa volonté et son énergie à offrir. En outre Samia a étudié la philosophie et pense ses chansons. Elle a fait de la danse puis s’est consacrée au chant parce que sa voix est originale, une voix dont le grain donne parfois le frisson.
Fermons les yeux et écoutons Samia Tawil. Elle chante en anglais. Comme dit Jean-Jacques Goldman, c’est la langue qui compte dans la chanson aujourd’hui. Elle glisse dans ses phrases des mots et expressions en arabe ou en français, mais l’essentiel se fait dans la langue des Beatles.
Ouvrons les yeux. On voit une jolie femme interpréter ses chansons avec une gestuelle sensuelle, selon un rythme endiablé qui ferait danser les plus récalcitrants. On reconnaît ses influences et ses attaches diverses. De père syrien et suisse, de mère marocaine, elle est le résultat d’un superbe mélange, un beau métissage de peaux et d’esprit. James Brown, Prince, les Gnawa du sud marocain, Oum Kaltoum et Fairouz, tous les rythmes qui célèbrent la vie et surtout la liberté. Un de ses albums se nomme «Freedom». C’est du rock et de la pop, du funk et de la soul, capable aussi de faire un détour par le blues.
Je l’ai découverte sur scène à Genève. Elle chantait et dansait sur une scène qu’elle maîtrisait parfaitement. On ne pouvait pas rester assis. Sa présence étonnante, sa soif de communiquer, de partager et d’ouvrir des fenêtres partout où elle passe, relèvent d’une sorte de magie propre à son identité plurielle, à son désir fou de chanter la vie, la vraie, celle qui sauve la dignité des êtres.
En France, on a remarqué que les chanteuses qui réussissent murmurent, car elles n’ont pas de voix. Samia crie et déchire l’écran du silence. Ce cri est un chant entre mélodie et colère, entre harmonie et violence. On voudrait la voir et l’écouter sur une scène comme l’Olympia. Mais elle a une voix, elle a de la voix. Serait-ce alors un handicap? Espérons que non.