Zeina Arida, directrice du Musée Sursock à Beyrouth, vient de déclarer dans un débat diffusé sur France Culture à propos du confinement au Liban: «on ne peut pas s’habituer à l’incertitude». Cette phrase prend tout son sens quand on sait qu’elle concerne le Liban, un pays gravement blessé et en partie détruit par quinze ans de guerre civile. Aujourd’hui, ce pays vit une autre guerre, celle d’un effondrement économique et d’un soulèvement populaire où toutes les confessions se retrouvent pour dénoncer la corruption et l’incompétence des dirigeants.
Ajoutez à cela l’arrivée du Covid-19 et le confinement. Mais cette notion d’incertitude concerne toutes les sociétés qui vivent actuellement une situation étrange et complexe. La société marocaine n’échappe pas à ces moments d’incertitude et d’angoisse générés par le virus et ses dangers.
Il y a ceux qui considèrent la période de la crise sanitaire que nous vivons comme une bonne parenthèse pour faire le point, réfléchir et mettre en pratique certaines résolutions.
D’autres au contraire se sentent en prison et n’arrivent pas à se passer de la vie sociale sans risque. Ils souffrent en silence.
D’autres enfin obéissent et attendent en priant Dieu pour que l’orage passe sans les toucher. Mais cet orage est devenu un ouragan lent et pernicieux qui circule en silence et touche de plus en plus de monde.
L’incertitude génère une angoisse d’un genre particulier. On ne sait pas. On ne sait rien. On regarde le ciel et on attend. Même si le Maroc est un des pays qui gère le mieux la crise, même s’il n’y a eu jusqu’à présent que 213 morts, il n’en reste pas moins que le virus a fait des ravages dans l’économie et dans l’équilibre psychique de certaines personnes.
L’incertitude permanente est une forme de torture qui ressemble à la méthode asiatique de faire avouer un inculpé: laisser l’individu dormir et le réveiller toutes les demi-heures. Une façon, à la longue, de le rendre fou.
Nous n’en sommes pas là. Le peuple marocain est connu pour son courage et sa patience. Il affronte la pandémie avec discipline, même si le confinement l’a fatigué et a atteint son moral.
La découverte, le jeudi 18 juin, d’un foyer du virus assez important à Lalla Mimouna a plongé ceux qui espéraient un retour à la normale, dans une colère muette et compréhensible. Si l’économie reprend sans que des précautions strictes ne soient observées, il est certain que d’autres usines deviendront des foyers de contamination.
Le Maroc a eu la sagesse de faire passer la santé avant l’économie. Mais cette position ne peut durer éternellement. L’économie doit se remettre au travail, mais pour cela, il faut respecter les consignes de grande sécurité. Les patrons de ces usines sont responsables de la sécurité de leurs ouvriers. On voit que certains ont préféré privilégier le profit par rapport à la sécurité et à la santé des travailleurs.
Il y a les citoyens qui n’en peuvent plus de ne plus travailler, parce qu’ils n’ont plus de moyens de subsistance, et puis il y en a d’autres qui ne peuvent plus se passer du travail. Il y a, ensuite, ces nombreux MRE qui attendent avec impatience l’ouverture des frontières pour venir dans le pays voir leurs familles. Là, le gouvernement reste prudent. On ne sait pas si ce retour sera accompagné d’une aggravation de la pandémie ou si, au contraire, tout se passera bien. Pour le moment, c’est la prudence qui prime.
Prudence et incertitude, car l’arrivée de plusieurs centaines de milliers de Marocains travaillant dans des pays comme l’Italie, la Belgique, la Hollande ou la France, pose normalement des problèmes. Il serait prudent d’exiger de tous ces «revenants» de se faire tester avant de prendre le chemin du retour au pays. Le Maroc ne peut pas se payer «le luxe» d’une épidémie à grande échelle. De toute façon, tout voyageur entrant au Maroc, devrait être testé à son arrivée. Ce serait tragique, si l’été des retrouvailles et des vacances se transforme en enfer généralisé.