Ce qui est bien en islam, c’est qu’on peut prier n’importe où. Fermer les mosquées pour éviter la propagation du virus est une bonne décision. Celui qui n’est pas content n’a qu’aller faire un tour dans les hôpitaux du royaume pour qu’il se rende compte que l’attaque du coronavirus est terrifiante, et que le seul moyen d’y échapper, c’est d’annuler tout contact avec d’autres personnes. Le confinement est une nécessité absolue. Ce n’est pas un plaisir. Rester à la maison sans mettre les pieds dehors, est une épreuve, du moins au début. Ce n’est pas une solitude, c’est un isolement, une sorte d’assignation à résidence absolue où aucune liberté ne peut se manifester, si ce n’est celle de la lecture ou justement de la prière pour les croyants.
Le gouvernement a bien fait d’arrêter le salafiste Abou Naim.
La religion, la foi, la croyance sont respectables. Mais la religion n’a pas son mot à dire quand un virus, surgi d’un territoire lointain, envahit le monde et décime des citoyens. Elle peut apaiser les esprits, mais elle ne fera pas reculer l’avancée du virus.
La menace est très sérieuse et très grave. Regardez ce qu’il s’est passé en Italie. Un manque de vigilance ou une absence de prise de conscience de la gravité du phénomène s’est soldée par plus de 5.476 morts au total dont 651 morts en 24 heures, selon le dernier bilan disponible dimanche.
Je rappelle à ce monsieur que c’est à partir d’un rassemblement évangélique de 2500 fidèles à Mulhouse, dans l’Est de la France, entre le 17 et 24 février que plusieurs personnes ayant assisté à cet événement ont été contaminées et dont certaines sont décédées. Aujourd’hui, le prêtre responsable de ce rassemblement présente aux familles ses excuses! Trop tard. Il aurait fallu annuler la réunion.
Je sais que l’Etat marocain a très vite pris la mesure des choses et a réalisé la gravité de cette menace. La mobilisation de tous les secteurs de l’administration et des médias a été assez remarquable. Et malgré tout cela, le Maroc n’est pas épargné. Il résiste pour le moment, mais si par malheur, les cas de contamination se multiplient vite, ce sera une catastrophe pire que celle de l’Italie.
Et cela pour plusieurs raisons : la première est l’état des hôpitaux publics qui, même en temps de paix sanitaire, manquent de tout. La deuxième raison relève de la mentalité d’une majorité de citoyens. La lutte contre le coronavirus nécessite une stratégie de grande rigueur. Cette exigence a manqué aux Italiens et un peu, au début, aux Français. La Chine a pu mener une guerre sans merci au virus en imposant de manière dictatoriale des décisions drastiques qu’aucun Chinois n’a contestées. Ni l’Italie, ni le Maroc ne sont des dictatures politiques.
Le peuple marocain a une vieille habitude: se méfier de tout ce qui vient du pouvoir. Par esprit de contradiction, certains ne vont pas obéir aux injonctions du gouvernement (comme les marches scandaleuses à Fès et à Tanger). Ainsi, lorsque le Conseil des Oulémas a décidé la fermeture des mosquées parce que ce sont des lieux de contact hautement contagieux, des voix se sont élevées pour protester et mélanger une précaution sanitaire avec un quelconque mépris de la foi musulmane.
Autre problème: le fait d’avoir ordonné la fermeture des hammams publics, va certainement éviter la propagation du virus, mais va poser un sérieux problème pour une catégorie non négligeable de citoyens qui ne possèdent pas de salle de bain là où ils habitent. A l’instar des Chinois, le gouvernement aurait dû faire construire en quelques jours des douches en préfabriqués aux côtés des hammams. C’est là aussi une question d’hygiène, qui est à la source de l’apparition du coronavirus en Chine.
L’économie va subir un grand traumatisme. Cela concerne tous les pays qui ont été touchés par le virus. La France a dégagé 45 milliards d’Euros pour venir en aide aux petites entreprises, aux professions libérales, aux petits commerces, etc. Trump, lui, qui se moquait du virus il y a à peine un mois, a dû promettre mille milliards de dollars d’aide. Mille dollars seraient distribués aux victimes collatérales de l’épidémie. Le Maroc a rassemblé quelques 25 milliards de dirhams. Des personnes fortunées ont donné des sommes importantes. Encore faut-il que cet argent soit bien distribué, et qu’aucune tentative de détournement ne puisse exister. D’ores et déjà, une bonne partie de cette somme devrait être mise de côté pour réparer l’hôpital public. Avec tous ces milliards, il y a de quoi doter le Maroc d’infrastructures sanitaires capables de répondre aux demandes des citoyens qui n’ont pas les moyens de s’adresser aux cliniques. Le reste devrait être distribué aux pauvres qui travaillent de manière informelle, au jour le jour. Il faut distribuer des produits de première nécessité aux plus démunis.
Reste enfin, la leçon. Quelle leçon tirer de cette catastrophe planétaire?
1-La mondialisation arrange les intérêts du capitalisme sauvage et appauvrit les petits producteurs.
2- L’argent a pris une telle dimension dans les relations entre les Etats qu’aucune autre valeur n’a trouvé sa place. D’où la progression d’une grande violence entre les individus.
3- La tendance vers la spiritualité, vers l’humain, vers la solidarité a été très faible et a été combattue par la finance et l’économie du libéralisme sauvage. Première victime: l’environnement maltraité, hyper-exploité et cassé par la rapacité de l’homme.
4- La religion, au lieu d’être un repère des valeurs de paix et de réconciliation, a été utilisée par des marchands du temple dont le but est d’arriver au pouvoir en comptant sur la foi des braves gens. Ces opportunistes et manipulateurs devraient être mis hors d’état d’exercer un quelconque pouvoir.
Le virus est un révélateur de ce que l’homme est capable de faire à l’homme. Peut-être que le Maroc sortira de cette épreuve grandi, parce que la prise de conscience des citoyens et la manière civique et rigoureuse de la lutte contre le virus, auront évité à ce pays le grand malheur de la désolation, de la mort des innocents et de la destruction de son économie. Une réflexion approfondie devrait être entamée. Ce qui amènera certainement des changements importants dans les mentalités et dans le comportement du Marocain, quelles que soient sa classe sociale, sa foi, sa destinée.