Il serait bon de savoir que le Maroc sera dorénavant sur la sellette. On ne lui passera rien. On exigera de lui davantage que ce qu’on demande aux autres pays. La réaction très négative, quasi-unanime, des médias et de certains hommes politiques européens, au moment où des milliers de migrants sont entrés dans des conditions dramatiques à Sebta, prouve à quel point la moindre erreur marocaine est montée en épingle, exagérée, exploitée sur le plan de l’émotion et aussi sur le plan politique.
Les médias n’attendaient que cette bavure pour lui taper dessus. Ils adorent ça.
Je ne vais pas revenir sur cet épisode triste et très malheureux. Mais il a permis aux adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc de déplacer le sujet et de condamner en bloc la politique migratoire du pays. Cet arbre hideux, a caché la forêt d’une cause nationale.
Il s’est avéré que l’Espagne, du moins son dirigeant actuel, le socialiste Pedro Sanchez, ne porte pas le Maroc dans son cœur. On ne lui demande pas tant. On aurait dû le savoir et agir en fonction de son animosité à l’égard du Maroc. Ce travail n’a pas été fait. Dommage.
On exige d’une coopération bien huilée entre deux pays, de fonctionner normalement. On n’accueille pas en cachette un criminel, poursuivi pour maintes plaintes, et dirigeant un mouvement armé et financé par une Algérie haineuse et belliqueuse, ayant pour objectif d’empêcher l’intégrité territoriale du Maroc. Cela ne se fait pas.
Quant à Pedro Sanchez, il savait pertinemment que son geste allait déclencher de réactions vives de Rabat et mettre en péril le programme de coopération bilatéral. Pourquoi avoir accepté cela? Il a dit «pour des raisons humanitaires». L’Algérie est à ce point démunie pour soigner un malade atteint du Covid-19? Oui, la preuve: son président a dû lui aussi s’adresser à des hôpitaux allemands pour se faire soigner. Signe, en passant, de l’état déplorable d’un Etat pétrolier, incapable de soigner ses citoyens.
Notre diplomatie n’a pas dû mesurer le changement d’attitude du nouveau Premier ministre espagnol. Pour le mouvement Podemos, nous savons tous qu’il est militant pro-polisario. Son opposition au Maroc est systématique. Mais les socialistes, Jose-Luis Zapatero, Miguel Moratinos et bien avant eux Felipe Gonzalez ont toujours eu une position de neutralité bienveillante à l’égard du conflit entre le Maroc et l’Algérie et ont prouvé à chaque fois leur amitié pour notre pays. Même des éléments du Parti populaire ont été outrés de la manière dont le socialiste actuel s’est conduit.
Au lieu de parler de la marocanité de Sebta et Melilla, au lieu d’évoquer la justesse des revendications du Maroc pour la consolidation de son intégrité territoriale, tous les médias européens n’ont parlé que de ces jeunes gens, dont certains ont été jetés dans la mer par la Guardia Civil, de ces centaines de mineurs qui n’ont pas été renvoyés chez eux. Bref, l’émotion a submergé l’information et le Maroc est apparu sous un très mauvais jour, au point même de se retrouver comparé avec la politique cynique d’un Erdogan quand il a menacé l’Europe de laisser passer des millions de migrants.
Le 11 mars 2020, Recep Tayyip Erdogan a affirmé «que son pays garderait ses frontières avec l’Europe ouvertes pour laisser passer les migrants tant que l’Union européenne n’aura pas offert de réponse concrète à ses exigences». Il avait fait un chantage odieux à l’Europe. Et il a reçu ce qu’il voulait.
Le Maroc n’a rien fait de pareil. Erdogan parlait de 3,5 millions de migrants auxquels il pouvait ouvrir ses frontières vers les pays européens. La police des frontières marocaine, par négligence, a laissé passer quelques milliers de malheureux candidats à l’immigration clandestine. Les deux faits ne sont pas comparables.
Pourtant, la presse a accusé le Maroc de faire du chantage, de manipuler des vies humaines, etc. C’était affreux. Et quand le ministre des Affaires étrangères a été interrogé sur ce fait précis par les médias français, il l’esquivait et parlait de l’entrée en Espagne sous un faux nom d’un ennemi du Maroc.
Nos relations importantes sur plusieurs plans sont à présent en bien mauvais état. L’image du Maroc a été écornée. Souvenez-vous de l’éditorial du quotidien Le Monde qui a été d’une rare violence, frisant la diffamation et l’insulte la plus répugnante. De ma vie, je n’ai lu dans ce journal, un réquisitoire aussi brutal et aussi injuste. Il dépassait les limites et vomissait sur le Maroc une haine qui n’avait rien à voir avec le journalisme.
Au cours de cette crise très malheureuse, je ne pense pas que le dossier de la cause sacrée ait gagné des points. L’Espagne a même cherché à transformer une catastrophe, en matière de politique intérieure, en proclamation de sa souveraineté sur deux villes marocaines. Un eurodéputé espagnol a en effet présenté une résolution d’urgence au Parlement européen, qui sous le maquillage de dénoncer l’utilisation des mineurs par le Maroc à Sebta, cherche en fait à apporter une caution européenne à l’occupation de deux villes sur le continent africain par l’Espagne.
S’il est voté en l’état, jeudi prochain à Strasbourg, le texte de la résolution espagnole va entraîner les députés européens à conforter l’Espagne dans sa souveraineté sur deux villes marocaines occupées. Les Européens qui la suivent dans cette apologie du colonialisme vont recevoir, tôt ou tard, comme un boomerang le blanc-seing qu’ils sont en train de donner à l’Espagne. Les frontières sud de l’Union européenne ne se situent pas au Maroc, sur le continent africain. Cette résolution risque d’être exploitée, dans les années à venir, par d’autres parties, d’autres Etats, d’autres personnes, qui feront payer cher à l’Europe sa naïveté avec l’Espagne.
Une autocritique s’impose. Pour avancer et éviter que des pays mettent en difficulté la lutte du Maroc pour son intégrité territoriale, il serait sain et intelligent d’analyser froidement les manques et les erreurs de chacun, d’autant que toute avancée du Maroc sur le plan économique ou politique sera forcément mal vue, mal considérée. Il vaut mieux le savoir et agir en conséquence. C’est ainsi. Certains nous veulent petits, allant jusqu’à évoquer «le sous-développement dont souffre le pays»!