Mon ami Karim Boukhari a dit dans sa dernière chronique ce qu’il y avait à dire sur la falaqa. Permettez-moi d’ajouter quelques remarques d’ordre personnel.
Falaqa.
Un joli mot, une pratique odieuse.
Enfant, nous avons tous un jour ou l’autre connu cette punition particulièrement humiliante de la part d’un fqih sadique, ignare et pervers. Je pensais que ça n’existait plus. Hélas, non. Dernièrement, un de ces fqihs s’est largement défoulé sur la plante des pieds de plusieurs enfants d’une école coranique dans les environs de Tanger.
Heureusement qu’il a été arrêté ainsi que son aide et qu’ils ont été jugés pour violence sur mineurs. Ils ont été condamnés à quelques mois de prison avec sursis.
Mais dans cette histoire, ce qui est révoltant, ce sont les soutiens que le fqih cruel a reçus à travers certains réseaux sociaux qui prétendent que c’est le signe d’une bonne éducation. Ils auraient aussi la nostalgie de la règle en fer qui frappait les doigts joints des élèves en classe. Cela faisait mal et ils pensent que c’est ainsi qu’on éduque les enfants.
Frapper un enfant est très grave, pas seulement pour les coups qu’il reçoit sur le champ, mais pour le traumatisme que cela entraîne et qui se traduit parfois par le recours à la violence une fois adulte.
Tant d’hommes qui battent leur femme, avouent avoir été battus enfants. La violence s’inscrit dans leur corps et dans leur mémoire et resurgit bien plus tard. Et cela n’excuse en rien leur comportement.
On a l’impression que l’école coranique est une sorte de garderie d’enfants qui, par la même occasion leur permet d’apprendre le Coran. Oui et non. Tout dépend de l’intelligence et de la bienveillance du fqih. Or la plupart du temps, ce sont des gens qui s’autoproclament fqih parce qu’ils récitent des sourates en des circonstances funéraires. Ils ont plusieurs fonctions: récitants sur les morts dans les cimetières, psalmodie des sourates à certaines occasions, maîtres d’école sans avoir reçu aucune pédagogie ni formation.
Je ne sais pas si ces écoles relèvent de l’Education nationale. Je ne sais pas si le fqih est salarié comme l’est un instituteur. En tout cas, l’affaire de Tanger permet de revenir sur le statut des écoles coraniques.
J’ai été moi aussi frappé par un fqih. Mon père, muni d’un bâton, s’était rendu à son domicile et l’avait menacé de lui casser le bras qu’il avait osé porter sur moi. Il ne l’avait pas frappé mais il m’avait retiré de la petite mosquée où ce vieux pervers faisait ce qu’il voulait en toute impunité.
J’ai été inscrit dans une école alors que je n’avais pas l’âge pour cela. Pour y avoir accès, mon père m’a vieilli sur l’extrait d’acte de naissance et depuis, à cause de ce fqih, je traîne avec moi une fausse année de naissance. A l’époque, il n’y avait pas encore d’état civil. On pouvait écrire n’importe quoi sur ces actes délivrés par le mokaddem du quartier.
La semaine dernière, j’évoquais la promiscuité dans laquelle vivent des familles dans les campagnes. On ne sait rien de ce qu’il s’y passe. En outre, l’omerta est de rigueur. On ne parle pas, on ne se plaint pas. Viol, inceste, pédophilie etc. Si personne ne porte plainte, la justice ne peut pas intervenir. C’est pour cela qu’une pédagogie du respect de l’enfant devrait être inscrite dans toutes les écoles et rappeler qu’abuser un enfant est un crime puni par plusieurs années de prison.
Il en est de même pour les enfants des rues que la prostitution happe sur son passage et en fait des victimes faciles et silencieuses.
Il n’y a pas d’éducation possible par la violence. C’est antinomique. Que ce soit à l’école coranique ou dans une classe de l’école publique, il est interdit de frapper un enfant quelle que soit la faute qu’il ait commise.