«Regain d’activité des mafias d’immigration clandestine sur les côtes marocaines du Nord. Après avoir déserté les côtes libyennes, ces réseaux font de plus en plus de victimes au Maroc». Ce constat, publié sur le360, suivi de chiffres de morts entre le Maroc et l’Espagne, est terrible. Il n’est pas nouveau. Toujours tragique. On a envie de crier «Assez!» et de crier aussi face aux autorités et à la société civile «Faites quelque chose!».
On peut prendre le problème par tous les côtés, on aboutit toujours à la mafia, organisation qui spécule sur la vie et la mort de personnes en détresse, qu’elle dépouille et jette à la mer sans le moindre scrupule. Cette mafia est constituée d’individus méprisables, des minables qui, telles des charognes, se nourrissent du malheur des autres. Ils sont connus ou du moins facilement repérables.
En attendant que les pays d’où viennent ces milliers de désespérés réussissent à donner du travail à l’ensemble de leur population, il est possible de s’attaquer aux esclavagistes qui se font de l’argent sur le destin brisé des malheureuses personnes.
On connaît l’efficacité et le sérieux de la police marocaine. Il faut juste que les responsables lui demandent de débarrasser le pays de ces vermines qui collent à la peau du malheur comme des bêtes affamées.
L’Europe pourrait aussi contribuer à cette guerre contre cette mafia. Il faudrait une concertation et un programme d’investissement dans des pays de l’Afrique subsaharienne, dont certains ont assez de ressources et de richesses pour qu’ils ne soient plus quittés par des hommes et des femmes qui crèvent la misère. On peut citer des pays riches comme le Nigeria, le Gabon ou même l’Algérie.
Ces immigrés clandestins, quand ils survivent, constituent une attestation de la faillite des pays d’où ils viennent. Le Maroc n’échappe pas à cette damnation. Depuis des mois, des enfants de rue marocains traînent dans des quartiers de Paris, livrés à eux-mêmes, ressemblant à ces gamins syriens qui mendient aux feux rouges. C’est une honte. En Italie, ils sont nombreux, notamment dans le Piémont. Les Marocains, installés légalement ou clandestins sans papiers, ont mauvaise réputation. En Italie, «Marocain» est synonyme de voleur et pour certains de violeur, rappelant ce qui s’était passé durant la Seconde Guerre mondiale à Monte Cassino, où des goumiers marocains ont violé beaucoup de femmes après la bataille. Un film de Vittorio De Sica «La Ciocciara», avec Sophia Loren, raconte cette triste histoire.
Notre diplomatie est au courant de cette réputation qui n’arrange pas l’image de notre pays. Pourtant c’est simple. Il faudrait renforcer la vigilance aux frontières, car ces jeunes gens, et parfois ces enfants, partent du Maroc cachés dans des camions comme des marchandises. Ensuite, pour payer leur voyage, ils deviennent des esclaves de la petite et grande mafia italienne où des Marocains bien installés ont trouvé leur place. A Turin, des enfants traînent aux alentours d’un grand marché. Ils sont prêts pour n’importe quelle occupation.
Des études nous disent qu’il y aura de plus en plus de mouvements de déplacement humain. L’avenir, surtout si rien n’est entrepris pour stopper ce mal à la racine, est aux migrations sauvages, tragiques. Que ce soit à cause des conditions économiques ou des changements climatiques, des millions d’hommes et de femmes migreront. Aucun pays d’Europe n’est en mesure d’accueillir toute cette humanité frappée par la faim. C’est en ce sens qu’une coopération entre les pays du Nord et ceux du Sud s’impose de plus en plus. La répression, la surveillance, la mort ne décourageront pas ces nouveaux damnés de la terre.
En 1862, Victor Hugo, écrivait pour justifier son œuvre monumentale, chef d’œuvre universel «Les Misérables» ces lignes en début du roman: «Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus; tant que dans certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.»
Ce constat est toujours valable, avec cependant le sentiment qu’un tel livre, nous concerne tous et, s’il n’est pas inutile, ne suffit pas à régler l’un des problèmes parmi les plus cruels de notre temps. Comme le signale aussi Hugo en fin de volume: «Ce livre n’est autre chose qu’une protestation contre l’inexorable».
De son côté le grand écrivain italien Claudio Magris, écrit dans un livre collectif «Osons la fraternité» (Ed. Philippe Rey), qui paraît aujourd’hui, ceci: «Les réfugiés qui arrivent sur nos côtes, dans nos pays, appartiennent à ces exclus d’avance, à ces coureurs de fond condamnés à partir dans la course pour la vie quand les autres sont déjà presque arrivés, et donc perdants avant même que soit lancée la compétition».
L’homme continuera d’introduire l’irréparable dans le monde avec arrogance et brutalité, pendant que d’autres, à l’âme généreuse et humaine, se battront contre l’inexorable.