Le peuple italien a de l’imagination. L’ancien ministre de l’Intérieur, chef par ailleurs de la Lega, un parti d’extrême-droite anti-immigrés et soupçonné d’être raciste, Matteo Salvini, est venu faire campagne dans les villes de la Romania, Bologne et Modena en vue des prochaines élections municipales de janvier 2020. Cette région a toujours voté à gauche. Il a essayé de parler à sa périphérie. Lui, qui ne cache pas sa sympathie pour Mussolini, a été reçu d’une manière originale.
Il y avait à chaque réunion quelques cinq milles manifestants venus lui dire leur opposition à sa politique et à sa personne. Ils étaient serrés, formant un ensemble humain compact. Et de ce fait, on les a appelé «les Sardines».
La sardine est un poisson populaire, pas cher, et surtout contenant beaucoup d’omégas 3. Il est très bon pour la santé. Ensuite, il ne se présente jamais seul. Il est toujours collé à d’autres sardines. C’est un poisson solidaire.
Il a suffi que quelqu’un dans la foule crie «nous sommes des sardines qui refusons le fascisme» pour que tous les manifestants se sentent solidaires dans le refus du racisme et de l’extrémisme. Depuis, c’est presque devenu un mouvement politique.
En ce moment, les sardines font la Une des journaux. Comme dans les manifestations en Algérie, au Liban et même en Iran, il n’y a pas de gros poissons qui dirigeraient ces foules qui protestent contre le système anti-démocratique, contre la corruption, contre les voleurs à la tête de ces pays. Pas de gros poisson, donc pas de leader. C’est ce qui caractérise ce réveil quasi-planétaire, de Hong Kong à Téhéran, en passant par la Colombie, le Chili ou l’Algérie.
Les sardines ne sont pas corrompues, ne mangent pas les petits poissons (en principe), apportent un complément alimentaire essentiel à la santé de l’homme. C’est donc un symbole de bonne qualité.
L’absence de leader est un signe des temps. C’est dire combien la chose politique a dégoûté les peuples.
Les partis politiques traditionnels, de droite comme de gauche, ont tous failli. Ils se sont autodétruits. Presque plus personne ne se réclame d’eux.
Reste le discours religieux. Il continue de rassembler des foules autour de prétendues valeurs garanties par la religion. Là, on s’adresse à la foi, à l’irrationnel, à la passion. Comme dans certaines sectes, les gens suivent celui qui se présente à eux avec un discours abscons mais assez attractif. Il apporte des réponses (fausses et illusoires) à des questions métaphysiques que se pose l’homme depuis sa naissance.
Là, il n’y a pas de place pour les sardines, mais il y a longtemps que les moutons se sont constitués en troupe de choc dans les réunions où il s’agit de l’enfer et du paradis.
Le mouton, c’est bien connu, donne du mauvais cholestérol (le LDL, les lipoprotéines de basse densité). Il dépose du gras dans les artères, lesquelles se trouvent un jour bouchées et cela peut entraîner de graves risques cardiovasculaires. Exactement l’opposé de ce que la sardine propose à l’homme.
Reste un seul slogan: mangez des sardines, et restez solidaires! Evitez d’être des moutons!
Il y a aussi les ânes. Ce sont des bêtes sympathiques. Mais quand on fait appel à eux, c’est rarement pour parler d’un groupe humain qui brille par son intelligence et par son intégrité. Il paraîtrait qu’ils adorent se présenter aux élections, même si les citoyens se déplacent en un petit nombre. L’important pour eux, c’est l’apparence. D’ailleurs ils sont de gros mangeurs de moutons gras. Pour rester vif et svelte, intelligent et solidaire, mangez des sardines! C’est le slogan politique qui nous change un peu de la langue de bois qu’adorent les usurpateurs.