Le phénomène du foulard couvrant la tête des jeunes filles et femmes au Maroc s’est peu à peu transformé en une mode ou plutôt en une obligation sociale. Le propre de la mode est son aspect éphémère. Elle change toutes les saisons, or le port du foulard s’est installé avec une force et une évidence difficiles à bousculer. Toutes les discussions que j’ai eues avec certaines jeunes filles ont vite tourné court, car les arguments sont flous et se résument en une fatalité née d’une pression sociale dans un paysage où la religion tente de gérer les comportements et les apparences, principalement des femmes.
Certes au moment de la prière, il est normal que les cheveux soient couverts. Cela se fait aussi dans les deux autres religions monothéistes. Par respect du lieu et le fait de s’adresser à Dieu, on évite d’être négligé ou provocateur.
Mais une fois la prière faite, pourquoi garder le foulard sur la tête? D’autant plus que cette coutume est relativement récente et coïncide avec l’islamisation à outrance de l’espace social et politique. Est-ce pour affirmer publiquement son attachement à la vertu ? Oui, mais a-t-on besoin de le manifester de manière ostentatoire? Je ne connais pas de statistiques prouvant que la vertu et le respect des autres aient fait de grands progrès depuis que le foulard est porté par une majorité de femmes. Les turpitudes des hommes, les violences conjugales, le viol, l’hypocrisie, les comportements pervers n’ont pas disparu comme par magie de notre bonne société.
Certes, il y a aussi une question de liberté. Chaque personne a le droit de s’habiller comme elle le souhaite. Là-dessus, il n’y a rien à dire. Mais à partir du moment où le port du foulard (je ne parle pas du voile noir intégral qui non seulement cache la femme, mais la transforme en un personnage mystérieux sur lequel se pose le soupçon, ni du fait que des femmes se baignent toutes habillées alors que leurs hommes sont en maillot), est devenu un symbole idéologique, un signe de ralliement politique, cette liberté est contestable.
Sans avoir fait des études poussées, on peut constater que le paysage humain marocain est composé dans sa majorité de jeunes filles et femmes voilées. L’esthétique du visage se trouve ainsi barrée, retenue, cachée.
La religion est une affaire personnelle. Elle relève d’une liberté de conscience que malheureusement la constitution de notre pays ne reconnaît pas, contrairement à celle des Tunisiens. De toute façon, celui ou celle qui affiche ses convictions religieuses ou idéologiques pense que l’islam doit gérer tous les mécanismes de la société. C’est un point de vue qui nous éloigne de la modernité dans le sens où l’individu est reconnu et émerge dans la société, libre et responsable. Cela confisque la liberté de penser et d’agir en tant que personne autonome, unique et singulière.
Comme il est difficile de discuter de religion, j’ai demandé à un dermatologue de me citer les inconvénients que constitue le port du voile en permanence pour la santé du cheveu. Voici sa réponse:
– Le cheveu est un élément vivant; étouffer ce que Dieu a créé est une erreur, c’est aller contre la vie, contre l’épanouissement du corps.
– Les cheveux sont faits pour être à l’air libre. Ils ont besoin de respirer, de sentir le vent, de grandir et de se développer.
– Si on cache les cheveux par un tissu qui les enferme jusqu’à les aplatir, il se produit un phénomène appelé «alopécie», qui se traduit par une chute lente des cheveux à cause du frottement et traction.
– L’absence d’air dans les cheveux provoque une séborrhéique du cuir chevelu. Par ailleurs, il se produit une aggravation des dermatoses préexistantes du cuir chevelu.
Résultat, le cheveu est maltraité, contrarié dans sa vie et tôt ou tard tombe malade.
Je ne pense pas que ces constats médicaux encourageront les femmes à retirer leur voile. Pour cela il faudrait une mobilisation sociale ou une obligation. J’ai remarqué que les caissières d’un grand magasin ne sont pas voilées. Je me suis renseigné: c’était une condition pour obtenir le travail.