C’est un badphone, un traîtrephone, un salaudphone, un faux ami. Je ne suis pas écouté, mais l’autre jour, discutant avec un voisin, je me suis contredit sans m’en rendre compte, il m’a fait réécouter ce que j’avais dit avant. Il m’avait enregistré à mon insu.
Je connais toutes les facilités, le confort, les astuces, les trucs qu’offre l’iPhone. Tout le monde ou presque en est fier. Le pire, c’est qu’on s’y habitue au point que notre mémoire devient paresseuse et s’achemine lentement vers l’Alzheimer. On se rend compte de tout cela le jour où on perd cet appareil (volé, souvent) et qu’on se retrouve sans repères, sans adresses, sans moyen de se connecter avec le reste du monde. On est nu et sans recours.
Nous sommes dépendants, esclaves d’un appareil qui s’est présenté au monde comme le gadget intelligent. Oui, intelligent pour nous posséder, pour nous faire dépenser aveuglement, pour nous balader d’un monde virtuel à une réalité amère et bien concrète, le tout avec la musique qu’on aime et les photos de ceux qu’on aime, rendant ringard la lecture d’un livre sur papier.
On pensait l’utiliser comme un simple téléphone. Eh bien, non c’est un bureau, une maison, des attaches, des habitudes, un mirage, une galerie de photos, des vidéos, des films familiaux, des souvenirs, bref une vie, une vie bis, avec cependant une espérance de vie très courte.
A présent que l’iPhone, création diabolique et en même temps magique, est devenu l’outil de l’espionnage abstrait, sans traces, sans intervention, cet outil est entré dans la cour des grands en étant le voleur invisible, inodore et incolore.
Maintenant que nous savons tout cela, il va falloir revenir au vieil appareil de téléphone qui ne prend même pas les messages. Je sais que certains hommes politiques utilisent le petit Nokia, avec lequel on ne peut que recevoir des appels et appeler sans laisser de trace. Discrétion assurée.
Certaines ambassades utilisent la vieille machine à écrire, avec ruban et papier carbone. Fini l’internet, les mails, les faxes, etc., ou du moins, mis de côté et utilisés pour des choses futiles.
La communication doit se méfier et ne plus faire confiance à l’iPhone, justement parce qu’il est intelligent et amoral. Il peut être habité par des individus qui ne nous veulent pas que du bien.
A partir d’aujourd’hui, je vais apprendre par cœur les numéros de mes enfants, de mes proches et de mes amis. Je ferai travailler ma mémoire. Je prendrai des notes sur un cahier et j’écrirai à la main avec un stylo-plume, comme je faisais avant.
Je quitte la modernité parce qu’elle est dangereuse, séduisante et facile, mais tellement traîtresse. C’est une modernité bidon parce qu’elle est technique, sans conscience, non porteuse de valeurs humaines.
Je fais l’éloge de l’écriture sur papier, comme je fais l’éloge de la marche à pied et de la visite à mes amis. L’iPhone a failli avoir ma peau. Je le devance en me séparant de lui et de ses services. Pour connaître la météo de demain, je n’ai qu’à écouter les informations. Oui, mais voilà, au moment d’allumer la radio, comme s’il avait senti que j’allais le quitter, l’iPhone a affiché la météo, pas seulement de demain, mais des quinze prochains jours.
Le mieux est de l’éteindre. Plus moyen de l’utiliser. Voilà que mes enfants et quelques amis sont inquiets. Ils ont envoyé des messagers pour s’enquérir de ma santé. Alors, j’ai ouvert l’iPhone et là, j’ai trouvé plusieurs messages que j’ai lus avec un certain plaisir.
Il m’a eu comme il le fait avec des centaines de millions de gens. Depuis quelques jours, ses applications ne fonctionnent plus comme avant. Il est tombé malade et je sais que sa maladie qui s’appelle l’obsolescence est incurable. Il est bon pour la casse et tout est fait pour que j’achète un nouvel iPhone encore plus performant que l’ancien. Je suis triste et désolé; mais c’est ainsi. A présent je possède deux ennemis intimes, l’un pour le numéro français, l’autre pour le Marocain. J’ai constaté qu’ils communiquent entre eux. Il y a de quoi devenir fou.
Encore heureux d’avoir résisté à l’Apple Watch, la montre qui fait office de mini-ordinateur et qui, en plus, peut réaliser votre électrocardiogramme. J’ai refusé de l’acheter, malgré l’insistance des amis. Non, un seul ennemi intime à la maison, pas deux, surtout que la montre connaît le fonctionnement de mon cœur mieux que moi!