Nos milliardaires ne sont pas sympas mais ils pourraient le devenir s’ils suivaient l’exemple de l’homme le plus fortuné d’Amérique, Bill Gates, qui consacre depuis une quinzaine d’années environ la moitié de son argent (sa fortune est estimée à 79 milliards de dollars) à des causes humanitaires dans le monde. Rien que la Fondation Microsoft Bill Gates a un budget de 5 milliards de dollars et s’occupe particulièrement des problèmes de santé, de malnutrition et de développement en Afrique. Elle intervient au Sahel et a mis au point un programme de vaccination et d’immunisation. Elle a établi un partenariat avec le Tchad et le Sénégal.
L’an dernier, il a estimé, sur une chaîne de télévision française, que «lorsqu’on a une fortune, c’est un bien public».
On ne va pas demander à nos milliardaires de mettre une partie de leur fortune au service du bien public. Ils ne comprendraient pas et crieraient au scandale. Mais on peut imaginer un scénario où chacun s’engagerait à réparer un des secteurs sinistrés comme celui de la santé par exemple. Il ne suffit pas de construire un hôpital, encore faut-il en assurer le suivi en fournissant les infrastructures, en engageant des hommes et des femmes qui travailleraient dans de bonnes conditions. On sait que certaines régions n’ont même pas un dispensaire de campagne. Quant aux hôpitaux publics, tout le monde sait qu’ils sont dans un état pathétique. Ce n’est pas M. Louardi qui vient d’être limogé par Sa Majesté qui me contredirait. Pendant ce temps-là, les cliniques privées font ce qu’elles veulent, pratiquent des prix exorbitants sans le moindre contrôle de l’État. Certaines cliniques se font payer en espèces pour ne pas payer les impôts. Non seulement elles s’enrichissent indument, mais elles fraudent le fisc.
Les projets pour intervenir dans la santé générale du pays –aussi bien dans le domaine de la médecine que dans celui de la culture et de l’éducation– ne manquent pas. On pourrait en organisant de manière efficace cette solidarité rendre des services inestimables aux Marocains défavorisés. Cela n’empêcherait pas la revalorisation des salaires par l’État et la prise en main de secteurs pourris par la corruption, par le manque de conscience professionnelle. Les hommes fortunés accepteraient de se séparer d’une partie de leur fortune pour que le pays qui leur a permis de s’enrichir puisse profiter un peu de cette manne.
Mais la volonté n’est pas là. L’homme qui prend l’habitude d’amasser beaucoup d’argent n’est jamais rassasié. Il veut toujours encore plus. Il veut toujours être plus riche que son concurrent. De temps en temps, il apaise sa mauvaise conscience en faisant de l’aumône, en aidant un cas ou en construisant une école dans un village lointain.
Le système Bill Gates est autrement plus ambitieux et plus humain. Il ne donne pas de l’argent aux nécessiteux. Il prend en charge des programmes précis et concrets dans des pays pauvres. Aucun dollar ne va dans la poche du gouvernement. Sa Fondation étudie sérieusement les situations et s’occupe de faire les choses directement en s’assurant du suivi et du sérieux de ce qu’elle entreprend.
Nos milliardaires pourraient s’en inspirer et étonner le monde en luttant contre la pauvreté qui sévit dans certains domaines. Un drame comme celui de Sidi Boualaalam, qui a fait 15 morts lors de la bousculade des denrées alimentaires, plaide en faveur de la responsabilisation des riches en direction des démunis.
L’écart entre les riches et les autres est trop grand. C’est ce qui nourrit l’amertume, la frustration et la révolte. La pauvreté porte atteinte à la dignité du citoyen.
Faire le bien ! Oui, mais il faut aller au-delà du geste de bonté. Car il ne s’agit pas de simple zakat, mais de se mettre au service du pays, d’examiner ce qui manque ou ce qui ne fonctionne pas bien et d’y remédier de façon décisive, en toute transparence.
On verrait bien l’un s’occupant de la santé dans sa région natale, l’autre de l’éducation, l’autre du secteur paysan et agraire.
Mais ne rêvons pas. L’exemple Bill Gates est unique au monde. Il a réussi à entraîner dans son sillage une quarantaine de milliardaires américains qu’il a convaincus de s’engager dans l’humanitaire. Cet homme qui, tôt a fait énormément d’argent, a su être reconnaissant à son destin, et s’est mis au service d’une partie de l’humanité qui souffre.
Ce qu’on pourrait demander à nos milliardaires, c’est qu’ils soient reconnaissants au pays qui les a aidés à amasser tant d’argent. Une ristourne volontaire serait une belle façon de lui dire «merci»! Pour cela, une révolution des mentalités est nécessaire. Chose qui est étrangère aux habitudes des gens très riches. Non seulement ils sont conservateurs, mais quand ils bougent c’est souvent pour améliorer davantage leur fortune.