La sortie indécente d’un représentant du parti de Marine Le Pen contre la présence d’une mère de famille à la tête couverte par un foulard, a fait couler beaucoup d’encre et surtout remis la question du voile sur le tapis médiatique. Tous les responsables politiques ont donné leur point de vue. On aurait dit que la République a été menacée dans son socle parce qu’une musulmane a accompagné son enfant dans une sortie d’école.
Le problème est, hélas, plus vaste et récurent. C’est de la place de l’islam dans une société laïque, qu’il s’agit.
La laïcité, telle qu’elle a été instaurée en France en 1905, exige la séparation de la religion et de l’Etat. Le fait religieux doit rester dans le domaine privé. Il n’a pas le droit de se mêler de ce qui est public, comme l’enseignement, l’administration, l’hôpital, etc.
C’est au nom de cette loi que des Français réagissent chaque fois qu’un signe ostentatoire de la religion musulmane surgit dans la sphère publique. Cela a commencé en 1989 dans un lycée où le proviseur avait demandé à deux sœurs d’origine marocaine de retirer leur foulard en entrant en classe. Ce qu’elles avaient refusé de faire. Il avait fallu l’intervention personnelle de feu le roi Hassan II pour que la famille de ces jeunes filles calmât le jeu. Mais la question du voile et du rapport de la France laïque avec l’islam, n’a pas cessé de se poser.
On ne sait pas si c’est l’islam qui n’a pas trouvé sa place en France ou c’est la France qui n’a pas fait de place à cette religion qui est tout de même, faut-il le rappeler, la deuxième dans le pays?
L’histoire de l’islam en France est liée à la guerre d’Algérie, guerre qui continue de manière froide et lancinante entre les deux Etats. On confond aisément islam avec Arabe ou Berbère. L’immigration maghrébine en elle-même ne pose pas de grands problèmes, c’est plutôt les générations d’enfants de ces immigrés nés en France qui constituent une sorte d’abcès de fixation dans les mentalités françaises principalement situées à droite et à son extrême. Ce sont des enfants que la France a du mal à reconnaître et surtout à considérer comme des citoyens français comme les autres. Ces générations ont connu l’échec scolaire, la mauvaise orientation à l’école, suivis parfois par la dérive de la délinquance, laquelle mène ces jeunes gens à la prison. C’est dans les prisons de la République que l’islamisme radical est né.
Les actes terroristes d’un Mohamed Merrah (2012), suivis par la tuerie de la rédaction de Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher de Vincennes, ensuite le massacre du Bataclan, ont définitivement désigné l’islam responsable de ces horreurs.
On ne fait plus la différence entre une religion et ce qu’elle a pu générer de monstrueux. Aujourd’hui, être musulman dans un espace européen pose problème.
Les Européens ne changeront pas d’avis sur l’islam et les musulmans. C’est pour cela que c’est aux musulmans que revient le douloureux effort de s’adapter à la réalité sociale dans laquelle ils vivent. On peut être croyant, bon pratiquant sans déranger le paysage social. Or, des musulmans radicalisés, (une minorité), utilisent certains aspects de leur religion pour vouloir changer le mode de vie des Français par exemple. Ils ne tiennent pas compte de la laïcité et de ses obligations.
Un jour, l’ancien ministre de François Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement, a eu le malheur de suggérer aux musulmans d’observer une certaine discrétion. Tout le monde lui est tombé dessus. Pourtant, entre nous, nous l’avouons sans hésitation. Si tu es musulman, c’est ton choix et il est d’ordre privé. Tu n’as pas à l’exhiber et encore moins à perturber la réalité de la laïcité.
C’est par la culture, par l’éducation et aussi par l’ambition que les jeunes Français issus de l’immigration ont des chances de trouver une place dans ce pays dont l’histoire est marquée par le passé colonial, par la guerre d’Algérie et par la perte d’un empire arrogant. La France a mal dans ce passé. En ce moment, elle connaît des difficultés dans plusieurs domaines et risque de prendre la pente du déclin, culturel, civilisationnel. Les interventions racistes d’un Eric Zemmour trouvent un large écho dans cette France du repli, de la peur et du pessimisme. L’islam est un élément parmi d’autres pour exprimer cette violence sociale. Il faut bien un bouc émissaire.
Dans d’autres pays européens, des musulmans sont arrivés à des postes politiques importants, notamment au Pays Bas. L’extrême petite minorité des musulmans qui parvient, avec pas mal de difficultés, à se faire une place sous le rare soleil français est souvent désemparée. Elle ne sait plus comment concilier l’identité d’origine et l’identité du sol où elle est née.
Lorsque le roman de science fiction «Soumission» de Michel Houellebecq est paru en 2015, la presse et le grand public lui firent un triomphe. Il raconte l’histoire d’un musulman devenu président de la République. Son immense succès de librairie a été assuré par la peur et la haine de l’islam. Il y a quelques semaines, Canal plus a diffusé une série, «Les Sauvages», où il est question d’un Maghrébin (joué par le Franco-Marocain Roshdy Zem) élu président de la France. Un gamin d’origine maghrébine manipulé par une secte d’extrême-droite, tente de l’assassiner dès le début de l’histoire.
Le paysage politique français a fait de l’islam une menace. Et ça marche! Pour inverser cette tendance malheureuse et dangereuse, il faudra beaucoup d’imagination, de travail sur le terrain et de volonté forte et déterminée. Pour le moment, la population musulmane reçoit des coups et observe le silence. Jusqu’à quand?