A lire le rapport sur la Syrie que Human Rights Watch vient de rendre public, on est pris d’effroi, de colère et de honte. Depuis mars 2011, le monde civilisé a laissé un psychopathe martyriser son peuple. Au lieu de l’arrêter, de l’enfermer et ensuite le juger, on a tergiversé, poussé quelques cris d’horreur et on l’a laissé faire en toute impunité.
Le Monde publie quelques témoignages et des photos assez terribles, non sur la guerre entre deux camps, mais sur les tortures subies par des civils dont des enfants. Comme le titre le quotidien français «Ahmad Al-Musalmani, 14 ans, était juste un enfant». Suit le récit de son arrestation, ses tortures par les gens de Bachar al-Assad et sa disparition. Ahmad est un parmi des milliers d’enfants que Bachar a fait torturer et assassiner dans des caves. Des photos prises par un nommé «César», un membre de la police ayant fui son pays, dévoilent un système reproduisant les méthodes des nazis : les victimes exhibaient des signes correspondant à plus d’une forme de torture : «preuve que de nombreux détenus avaient subi de multiples blessures contondantes. De telles blessures sont souvent fatales surtout chez des détenus affamés et privés de sommeil.»
Hafez al Assad, géniteur de ce bourreau, était coutumier de ces méthodes. Le fils a hérité cette cruauté parce qu’il sait qu’il peut tout oser, tout faire, personne ne viendrait l’en empêcher.
Au moment où l’Occident est tombé dans le piège tendu par Bachar et son complice Poutine, la fameuse hypothèse «c’est moi où le radicalisme islamiste», la police de ce fils de bonne famille, médecin de formation et tortionnaire par défaut, a carte blanche pour punir un peuple qui avait osé sortir dans la rue contester un pouvoir absolu. Il a manifesté pacifiquement, sans violence, sans armes. Il fut reçu par l’armée de la tribu de Bachar qui n’a pas hésité à tirer dans le tas et a poursuivi sa besogne avec de plus en plus de férocité. Il faut dire que certains officiers et soldats ont déserté, prenant le risque de subir les foudres du régime. Certains, arrêtés, ont été torturés jusqu’à la mort.
Aujourd’hui, l’ONU ne prévoit pas d’arrêter Bachar mais ne s’oppose pas à ce qu’il soit maintenu dans d’éventuelles négociations en janvier.
En bon soldat, il s’en sortira avec quelques égratignures. Il devra sa vie, une vie où la honte n’a plus sa place, à Poutine, cynique et réaliste, réglant ses comptes avec ceux qui l’avaient écarté du Proche-Orient.
Quelle que soit la complexité du conflit en cours en Syrie, il n’en reste pas moins qu’un individu a depuis longtemps accepté de se séparer de son humanité pour rester au pouvoir quitte à massacrer plus du tiers de son peuple. On espère qu’un jour la justice se tournera vers lui et le jugera pour que plus jamais un chef illégitime puisse jouir d’un pouvoir exorbitant au point de faire torturer des enfants soupçonnés de s’opposer à son système.
Une leçon à retenir : la civilisation n’est pas à la portée du premier venu, surtout quand cet homme a été élevé dans la perspective de la barbarie comme moyen de gouverner. Comment lutter ? Le philosophe roumain E. Cioran écrit dans «La chute du temps» ceci : «Le phénomène barbare, qui survient inéluctablement à certains tournants de l’histoire, est peut-être un mal (…) ; au surplus, les méthodes dont on userait pour le combattre en précipiteraient l’avènement, puisque pour être efficaces, il faudrait qu’elles fussent féroces : ce à quoi une civilisation ne veut se prêter ; le voulût-elle qu’elle n’y parviendrait pas, faute de vigueur».
Alors les criminels ont de beaux jours devant eux et des dictateurs de la trempe de Bachar sont assurés de mourir de vieillesse dans leur lit, entourés de leurs proches et amis.
Pourtant les barbares ne reculent que face à plus barbares qu’eux. Ce qu’aucune civilisation digne de ce nom n’oserait jamais être. Restent le droit et la justice. Leur efficacité n’est pas immédiate, mais sur le long terme ils finissent par avoir raison.