On a tous vu cette vidéo tournée dans les rues de Tanger où une jeune femme est poursuivie par une foule hurlante en vue de la lyncher. Quel crime a-t-elle commis? Celui d'être habillée comme une jeune femme libre, avec un chemisier et une jupe. Ses cheveux sont libres aussi. Cela a suffi pour que des frustrés, des affamés du sexe, des imbéciles sans éducation, sans pudeur ni retenue attaquent cette femme qui ne faisait que passer sans provoquer personne.
Une société où ce genre de faits arrivent est une société inquiétante et disons-le sans ambages: malade. Oui, nous n’avons pas le sens civique ni le sens du respect de l’autre personne. L’individu en tant qu’entité unique et singulière, autrement dit libre et responsable, n’est pas reconnu.
On se souvient de ce qui s’était passé à Cologne le soir d’un 31 décembre 2015 où des femmes allemandes ont été agressées sexuellement. On a noté que parmi ces agresseurs, il y avait des Maghrébins. Le scandale avait été largement médiatisé et même politisé. Kamel Daoud avait écrit une chronique acerbe et juste sur le rapport maladif du Maghrébin avec le corps de la femme. Il a été insulté, désigné comme ennemi de son peuple, etc. Ce genre de réaction est stupide. Reconnaître nos défauts est le début de la démocratie. Or je le dis et redis aujourd’hui, nous n’avons pas assimilé l’essence et la valeur démocratiques. Nous ne nous respectons pas nous-mêmes. Nous ne savons plus respecter les lois minimales du vivre ensemble, ce que nos grands-parents vivaient avec harmonie et intelligence.
Le lynchage qu’a failli connaître la jeune femme de Tanger est du même ordre que le non-respect du Code de la route, surtout en été où des jeunes au crâne tondu font des rodéos avec des voitures puissantes en plein centre-ville, sans penser aux accidents qu’ils pourraient occasionner. Il est du même ordre que le fait d’un conducteur de bolide doublant dans un virage sans visibilité et allant assassiner les occupants de la voiture d’en face. Il est du même ordre que celui qui se présente aux élections pour avoir des passe-droits, pour faire fructifier ses affaires et continuer à pratiquer la corruption dès qu’un petit obstacle se présente devant lui. Il est du même ordre que la fraude et la triche dans le travail, le manque de ponctualité, l’absence de sérieux et de fiabilité. Il est du même ordre que le viol et les violences dont sont victimes des femmes et des jeunes gens sans défense.
Une société qui ne pense pas à ses défauts, à ses manques, à ses faiblesses, est une société condamnée à la régression, à être montrée du doigt par les observateurs comme cela s’est passé la semaine dernière dans les médias français.
Il est temps de poser les problèmes de l’émergence de l’individu, c’est-à-dire de la personne responsable qui ne se cache ni derrière le clan et la famille, ni derrière la religion qui a bon dos, ni derrière une conception égoïste et barbare du vivre ensemble. Pour le moment, il est urgent qu’une loi contre le harcèlement, moral, sexuel, physique, soit votée et mise en pratique. Que d’employés, hommes et femmes, souffrent dans leur quotidien de la petite dictature des chefs pervers et malsains. Personne ne porte plainte, car la justice n’est pas saine et celui qui conteste le pouvoir du chef perd son travail. La femme qui refuse les avances du chef perd son emploi. Tout cela on le sait, certains en parlent, mais rien n’est fait pour mettre fin à ces comportements hautement toxiques.