Un jour de semaine, par une belle matinée d’été covidée et non confinée, Madame B. décide de faire bronzette sur la plage et d’en profiter pour sortir son chien. En laisse, le chien.
A peine ses petits pieds bronzés ont-ils palpé le sable brûlant que retentit un coup de sifflet strident… «Les chiens sont interdits sur la plage, Madame», lui crie à quelques mètres de là, un agent d’autorité. Madame B., qui pense avoir mal compris décide de demander des explications à ce dernier. «Mais depuis quand? J’habite ici depuis des années et jamais je n’ai entendu parler d’une telle interdiction», lui affirme-t-elle, persuadée d’être dans son bon droit.
«Non madame, c’est la loi et depuis toujours», réplique-t-il sur un ton sans concession. «Et de quelle loi parlez-vous exactement, expliquez-moi ça», rétorque Madame B., qui aimerait bien comprendre et être mise au fait de cette nouveauté qui interdit de promener un chien en laisse sur la plage.
«C’est la loi parce que je vous le dis!», se voit-elle répondre, avant que celui-ci ne finisse, devant son air ahuri, par pointer du doigt un panneau sur lequel figure un pictogramme illustrant un chien barré d’une croix rouge. Un panneau surgi de nulle part, le temps de la période estivale. «Votre chien peut mordre quelqu’un, même s’il est en laisse. Il suffit qu’une personne passe un peu trop près de lui pour qu’il devienne un danger potentiel», explique à Madame B. l’agent d’autorité, qui en profite pour en rajouter une couche en demandant à la maîtresse du toutou, «et où est la kmama? La loi l’impose aussi vous ne le saviez pas non plus?». Madame B., qui ne porte pas de masque anti-Covid en allant sur la plage, pense alors tomber sous le coup d’une autre loi, celle des restrictions sanitaires, avant de comprendre que l’agent parle en fait de la muselière que ne porte pas son chien.
«Mais mon chien n’est pas dangereux au point de lui mettre une muselière monsieur l’agent! Je le tiens en laisse, il me semble que c’est suffisant non?», aboie-t-elle, de plus en plus agacée par cet échange qui se fait à l’ombre de parasols loués illégalement et en toute tranquillité sur la plage.
«Madame, je sais de quoi je parle! J’ai été dresseur de chiens dans la brigade canine pendant de nombreuses années. Je connais mieux les chiens que vous!», grogne-t-il à son tour, exaspéré par cette citoyenne qui n’a pas l’intention d’en démordre.
«Allons bon, monsieur l’agent, pas la peine de le prendre sur ce ton. Je profiterais bien de vos conseils de dressage au passage parce que je ne vous cache pas que mon chien qui n’est pas méchant a un sérieux penchant pour les conneries en ce moment», ironise-t-elle.
«Jamais de la vie! Je ne pratique plus ce métier et d’ailleurs je ne m’approche plus de ces créatures. Vous ne savez donc pas ce que l’islam dit sur les chiens? C’est haram d’en avoir chez soi, Youfkidou Al Waudou!», déclare-t-il alors en s’éloignant, d’un air répugné.
«Monsieur l’agent, nous étions en train de parler de lois pourquoi essayez-vous de m’entrainer sur un terrain religieux? Ce n’est absolument pas le sujet de notre discussion et je ne tiens pas à polémiquer là-dessus», répond Madame B. à l’agent qui, en tournant les talons, lui lance par-dessus son épaule, pour clore cette conversation qui n’a que trop duré, «la religion est au-dessus de la loi madame».
Choquée et désabusée, Madame B. décide de rentrer chez elle, accompagnée de sa créature abjecte qui lui vaudra peut-être les flammes de l’enfer dans une autre vie, mais qui, dans cette vie-ci, représente à ses yeux bien plus que certains individus appartenant à la race humaine.