Ah «l’amour au temps du choléra», ce roman sublimement douloureux qui a bercé notre célibat, nous a arraché des larmes et, alors qu’on n’y croyait plus, nous a prouvé que même après une vie d’attente et de souffrance, l’amour était possible, à n’importe quel âge et surtout, en dépit de tout.
On aimerait en dire autant de l’amour au temps du Corona, mais à en croire les célibataires d’aujourd’hui, il est bien loin le temps de Gabriel Garcia Marquez. Pourtant, au XXIe siècle au Maroc, comme à la fin du XIXe siècle dans cette petite ville des Caraïbes, on traverse les mêmes problématiques. Epidémie, mort, pauvreté, dureté de la vie… Et, bien sûr, l’amour, pour faire passer la pilule amère de l’existence. A l’exception près qu’aujourd’hui, s’aimer n’est plus une mince affaire.
Masques, distanciation sociale, fermeture des restos, des boîtes, des bars, des cinémas, des théâtres… A la distance déjà instaurée par les réseaux sociaux, véritables miroirs aux alouettes, s’est ajoutée la distanciation sociale et le confinement. Alors, comment faire pour se rencontrer? Se plaire? S’aimer?
On pourrait croire que les applications amoureuses auraient servi à pallier ce manque affectif mais bien loin de là, c’est un autre phénomène qui a fait son émergence, sur Tinder notamment: la monétisation des rapports amoureux, autrement dit, la prostitution. «Aujourd’hui, quand je matche avec une nana, elle me demande systématiquement entre 1.500 et 3.000 dirhams la soirée», s’exaspère H., un quadragénaire qui désespère de trouver une compagne désintéressée.
On pourrait croire que H. est un cas à part et qu’il a dû manquer de chance, mais non… Cette histoire là est devenue monnaie courante. La prostitution sur les réseaux sociaux est une réalité qui existait avant la pandémie et qui s’est considérablement renforcée pendant le confinement, crise économique oblige. Et du côté des femmes qui se servent encore de cette application pour trouver l’amour, la chose est tout aussi difficile face à des hommes désabusés qui mettent toutes les utilisatrices de la plateforme dans le même sac.
Comment faire des rencontres? C’est la question à cent points de l’année 2021. Et quelle ironie que de devoir se la poser alors que nous sommes plus de 7 milliards d’être humains sur terre. Comment en est-on arrivés à un tel degré de solitude, alors même que nous sommes en surpopulation et que nous vivons à l’ère de la communication instantanée?