Cette semaine, l’ancien ministre des droits de l’homme marocain Mohamed Ziane a été condamné à une peine de trois ans de prison et à verser une somme de 100.000 dirhams à Najlae El Faisali, une femme qui l’a accusé de harcèlement, de chantage sexuel et d’extorsion.
Comme on en a pris l’habitude désormais en lisant une certaine presse française, faisant écho à l’agence de presse française officielle, la nouvelle de ce verdict a été relayée de telle sorte que l’inculpé, présenté comme un militant des droits de l’homme connu pour son franc-parler, passe pour une victime. Un homme dont la liberté de ton et l’investissement dans certaines causes sociales lui aurait valu de s’attirer les foudres du Makhzen. Une ritournelle que l’on connaît bien, car c’est celle-là même que l’on entend, inlassablement, quand il s’agit d’évoquer les affaires Omar Radi et Souleimane Raissouni. En effet, la nouvelle arme du Makhzen pour faire taire les opposants serait de leur coller une affaire de mœurs sur le dos.
Et pour la victime présumée, rien, pas même un seul petit mot. Comme si elle n’avait pas voix au chapitre, comme si elle n’existait pas. Un silence assourdissant, gênant, écœurant, qui laisse entrevoir une chose, la décrédibilisation de la parole des victimes marocaines lorsqu’elles osent témoigner dans des affaires de moeurs que l'on entend politiser.
Traînées dans la boue des réseaux sociaux, traitées de vendues à un pouvoir obscur qui les instrumentaliserait pour mieux faire taire les opposants, quand elles ne sont pas rabaissées impunément au rang de chetta7ates (danseuses), autrement dit de prostituées par leurs agresseurs, ou encore pire dans le cas d'un homme ayant subi un viol -comme dans l'affaire Raissouni- d’homosexuels devant s’estimer heureux d’avoir subi un viol si toutefois viol il y a eu… Mais sur ça, rien, pas une ligne, pas même des prétendus magazines féminins et féministes qui se nourrissent des histoires glauques de l’hémisphère sud pour mieux apprécier le bien-être de vivre en Occident. Que doit-on comprendre? Que nous autres les Marocaines sommes des intrigantes? Des putes prêtes à tout pour une poignée de dirhams?
Quelle violence et quelle hypocrisie de la part de médias si prompts à s’emparer des sordides histoires de viols qui ont fait la Une des médias marocains pour mieux dénoncer la violence des mœurs de notre pays et la faiblesse de ses lois dans la protection des victimes.
Il ne faut pas remonter très loin pour se souvenir de l’émoi international qu’avait suscité le suicide d’Amina Filali, mariée de force à son violeur, ou encore le viol collectif de Khadija, une adolescente séquestrée, violée en réunion, et contrainte de subir des tatouages de la part de ses agresseurs… Dans ces colonnes françaises, on s’apitoyait alors sur le sort de ces pauvres Marocaines, dans l’incapacité de dénoncer leurs bourreaux dans une société étouffée par les tabous, ou encore menacées d’être traitées en parias par leur famille, si toutefois elles osaient parler. Mieux encore, on appelait les femmes victimes de viol, en n’oubliant pas de souligner que les chiffres officiels étaient loin de la réalité, à oser prendre la parole!
Mais qu’est-ce qui différencie toutes ces femmes marocaines victimes de viol dans le traitement médiatique qui leur est accordé? Qu’est-ce qui fait qu’on croit la parole de certaines et qu’on jette le doute sur la parole des autres? Est-ce le fait qu’elles soient mortes qui les rend plus crédibles? Ou bien qu’elles soient pauvres ou analphabètes? A moins que ce ne soit la médiatisation du bourreau et son statut de figure publique qui ne fasse toute la différence…
Oui, ça ne peut être que ça… Et surtout, ne nous y trompons pas. Si ces hommes connus qui se retrouvent devant la justice, qu’ils soient journalistes ou ex-ministres, bénéficient de ce traitement de faveur de la part de la presse occidentale et notamment française, si prompte à voir en eux des opposants au-dessus de tout soupçon, victimes d’un régime répressif, elle accorde pourtant un traitement tout à fait différent aux mêmes affaires quand elles se déroulent en France.
Patrick Poivre d’Arvor, Jean-Jacques Bourdin, Nicolas Hulot, Pierre Menes… Des journalistes français, ultra-médiatisés, stars du PAF, accusés par des dizaines de femmes d’avoir été les auteurs de harcèlement sexuel, de viols, de chantages… Et pourtant, la parole de leurs victimes présumées est médiatisée, écoutée, prise en compte, au point que PPDA ait disparu des radars, que Bourdin ait été écarté de l’antenne, que Hulot ait décidé de déserter la vie publique, sans que personne ne s’en émeuve.
Que penser, aussi, de l’avocat Juan Branco mis en examen pour viol? Du politologue Olivier Duhamel accusé d’inceste?
Et le monde des arts n’est pas en reste avec des plaintes de viol et agressions sexuelles contre Gérard Depardieu, Luc Besson, Ary Abittan, Richard Berry, Claude Levêque,…
Que faut-il comprendre? Que ces hommes connus, à partir du moment où ils sont Français, ne peuvent en aucun cas être victimes de machination? Pourtant, tous nient en bloc, crient aux mensonges, à la mise en scène… Faut-il croire que la parole des victimes françaises est plus crédible que celle des Marocaines? A moins que ce soit notre appareil judiciaire, nos services de police qui soient grippés au point de ne plus savoir reconnaître un bourreau d’une victime, malgré les preuves? Faut-il s’inscrire sous le hashtag #metoo pour devenir crédible?
Dans un autre genre de traitement médiatique à deux poids deux mesures, pire encore, que penser d’Eric Zemmour, qui, selon une enquête de Mediapart aurait agressé sexuellement plusieurs femmes? Comment expliquer que celui-ci soit candidat à la présidentielle sans pour autant qu’aucun média français ne daigne le questionner sur les crimes dont il se serait rendu coupable? Est-il au dessus de lois?
Ce que ce traitement médiatique puant d’hypocrisie qui s’inscrit de surcroît sous la bannière de la liberté de la presse et des droits de l’homme, démontre c’est que quand l’on s’intéresse au Maroc, c’est pour mieux critiquer son système judiciaire et dénoncer un système soit bancal, soit répressif. Et dans ce cas de figure, qu’on la victimise, qu’on l’invisibilise ou qu’on la discrédite, la victime marocaine se retrouve dans tous les cas instrumentalisée.
Ce qu’on peut retenir aussi de tout ça, nous autres Marocaines, c’est que notre salut, l’exercice de nos droits, est entre nos mains. «Ne nous libérez pas, on s’en charge», tel était le mot d’ordre des femmes arabes, inscrit en gros sur des pancartes destinées à l’Occident, lors des manifestations du printemps arabe. Et ce mot d’ordre est plus que jamais de mise. Pas besoin que vous croyiez en nous, car votre avis est tellement biaisé et faussé qu’aujourd’hui, il ne vaut absolument plus rien. Quant au féminisme occidental qui entend imposer sa suprématie sur tous les autres, gardez-le aussi. Il ne vaut plus rien depuis qu’il a laissé sur le carreau la cause des musulmanes au prétexte qu’elles portent un voile.
A nous, Marocains, de nous soutenir entre nous pour mieux faire entendre nos voix et encourager nos sœurs et frères victimes de viols à prendre la parole, sans se laisser manipuler par des médias occidentaux et des organismes pseudo droits-de-l’hommistes qui poursuivent des agendas bien loin de tenir compte de la justice que l’on doit aux victimes.