La carte nationale, de son p’tit nom, «la carte» ou la «CIN», est ce document avec lequel nous entretenons un rapport très spécial, saisis que nous sommes d’un sentiment de crainte à chaque fois qu’il nous faut la présenter ou qu’on nous demande son numéro.
Et si d’aventure on se la fait confisquer, c’est l’angoisse absolue. Une angoisse parfois quasi-irrationnelle. Il y a quelques années, à la radio, un jardinier confessait avoir entretenu des rapports sexuels contre son gré avec sa patronne sous prétexte qu’elle lui avait confisqué sa carte nationale. Le pauvre homme pleurait sur les ondes, persuadé que cette Cruella pourrait lui faire du chantage ou l’envoyer en taule, simplement en brandissant sa sacro-sainte carte.
Affichant notre statut marital, cette carte en dit en fait très long sur notre vie sexuelle et son caractère halal ou pas, tout du moins quand on est une femme. Pour peu que n’y soit pas apparente la mention « épouse de…», cette carte devient alors un véritable cauchemar pour les couples qui devront alors présenter aux autorités un acte de mariage afin de faire amende honorable quand on leur demande «ashnou kat jik».
Et puis un beau jour, on se marie. Pour bien s’assurer de ne plus jamais se sentir hors-la-loi, certaines d’entre nous décident de mentionner sur leur pièce d’identité leur nouveau statut et le nom de l’heureux élu. Tranquilles pour autant? Et bien non!
Bien que la CIN se soit modernisée et soit aujourd’hui devenue électronique, il nous faudra encore une fois –si on le souhaite– y indiquer notre statut marital, épouse ou veuve, quand les hommes eux n’indiqueront au besoin qu’un seul statut: veuf.
Si certains arguent que cette indication n’est pas obligatoire, ce choix qui nous est présenté est toutefois des plus sournois. Ne pas indiquer que nous sommes mariées nous expose, nous les femmes, à tout un tas de problèmes au quotidien et nous oblige également à transporter notre acte de mariage, où que l’on aille. Quant à ce choix qui nous est «proposé» d’indiquer qu’on est mariée à «Monsieur flane», c’est en fait un sacré bâton administratif dans les roues des femmes divorcées qui devront en plus des habituels documents à fournir pour le renouvellement d’une carte, justifier en plus de leur divorce pour changer leur état civil. Bonjour les tracas pour celles qui l’auront égaré dans un déménagement ou brûlé dans un feu de joie post-mariage.
Et pourquoi en faire toute une histoire puisque cette disposition existait déjà dans la précédente version de la CIN? Parce que, vous rétorqueront les féministes et autres personnes dotées d’un minimum de bon sens, son maintien va à l’encontre de toute forme de parité.
Cette indication de l’état marital de la femme implique qu’elle appartient à un seul homme –à la fois– alors que l’homme, lui –qui n’appartient à aucune femme bien sûr– se voit donner l’opportunité administrative de jongler entre les femmes et les épouses.
Ça n’a l’air de rien comme ça, au mieux un détail administratif, mais le diable se cache précisément dans les détails.