A quelque chose malheur est bon. Jamais proverbe n’aura été si vrai, si lourd de sens, tant cette pandémie qui frappe le monde sème sur son passage autant de souffrances que d’enseignements, dont il faut espérer que nous saurons tirer profit.
Au Maroc, il y a encore quelques semaines, on s’inquiétait d’une fuite massive des cerveaux vers l’étranger et on dénonçait le débauchage de nos compétences en poste par des firmes étrangères. «Comment va-t-on construire le Maroc de demain si la plupart de nos meilleurs éléments sont tous candidats au départ?», s’interrogeait-on alors. Comment donner envie de revenir au pays à ceux qui ont choisi d’étudier, puis de travailler à l’étranger?
Comment insuffler l’amour du pays à des jeunes gens désabusés qui pensent trouver le bien-être dans l’exil?
Il y a quelques semaines encore, dans une société marocaine hypnotisée par le pouvoir des réseaux sociaux, on finissait par se dire, la mort dans l’âme, que la réussite professionnelle se mesurait au nombre de likes et de followers qu’on comptait sur Instagram, aux nombres d’injections de graisse qu’on se prenait dans les fesses pour être plus instagrammable, au nombre de cadeaux qu’on recevait de marques en mal d’image, pour pouvoir montrer à tout ce petit monde ô combien on est important, et, enfin, au nombre de mots qu’on savait décliner en hashtags…
C’était à désespérer de l’avenir… Puis, quelques semaines plus tard, le coronavirus est passé par là, avec son lot d’inquiétudes, de souffrances, mais aussi de petits miracles.
Car en parallèle de la gestion de crise exemplaire dont fait preuve le Maroc, et qui fait d’ailleurs la fierté des Marocains, grâce à ce mal, et non à cause de lui, nous voyons émerger, chaque jour, du fond de notre confinement, d’incroyables talents, qui en plus de briller par leurs compétences, se démarquent par leur générosité.
Il y a ceux qui s’organisent en collectifs pour fabriquer et livrer gratuitement des visières en plastique pour le personnel soignant. Ceux qui planchent sur le détournement d’un masque de plongée Decathlon en respirateur. Ceux qui fabriquent un ventilateur automatique made in Morocco. Ceux qui mettent leurs usines à contribution pour fabriquer des masques. Ceux qui mettent à contribution leurs cuisines et leur personnel pour préparer des repas pour les hôpitaux. Ceux qui mettent à disposition les chambres de leurs hôtels pour le personnel soignant. Ceux qui offrent le transport gratuit à ce même personnel. Ceux qui ont ouvert la porte de leurs appartements et les ont aménagés pour y loger des sans-abri. Sans compter les associations, mais aussi les particuliers, qui œuvrent chaque jour sur le terrain pour aider ceux qui vivent dans la rue, mais aussi les personnes âgées qui vivent seules, ou encore les familles dans le besoin…
Grâce à toutes ces personnes, nous sommes en train de renouer avec les notions de solidarité et de fraternité qui sont pourtant inhérentes à notre culture, mais que nous avions délaissées dans notre course à la modernité et à l’individualisme. Mais surtout, nous sommes aussi en train de nous rendre compte que nous avons les moyens d’améliorer considérablement certains secteurs en souffrance, à commencer par ceux de la santé et de nos droits sociaux.
S’il est donc une leçon à tirer de tout cela, c’est que des compétences, le Maroc en dispose encore et en disposera toujours, quand bien même certains ont fait le choix de partir. Reste à savoir valoriser ces talents, lesquels, eux, ont fait le choix de rester au pays, de ne pas les délaisser, ni en détourner le regard une fois cette crise passée.
Dans cette épreuve, c’est donc un nouveau Maroc, ô combien prometteur qui se profile, fort de nombreuses compétences qui sauront, espérons-le, être considérées comme les influenceurs de demain et pourront, espérons-le tout autant, donner l’exemple aux autres. Pas sur Instagram pour tenter de nous vendre des futilités, et donner une fausse image du bonheur et de la réalité, mais «IRL» («In the real life»), en se rendant vraiment utiles.