Cette semaine, nous avons touché le fond. Déjà que la télévision ne nous fait plus de l’œil depuis longtemps, faute de programmes attrayants et intelligents, voilà maintenant que la connerie humaine et criminelle nous rattrape via les chaînes télévisées du web et s’exprime en toute impunité.
Il y a quelques jours, une chaîne marocaine, qui diffuse ses programmes depuis l’étranger, a entraîné une vive polémique après la diffusion d’une émission dans laquelle intervenait un homme qui se prétend gynécologue, un expert, donc…
Invité à s’exprimer sur le sujet du viol face à deux animatrices, cet homme, médecin, qui doit par conséquent voir passer des centaines de femmes vulnérables chaque mois sur la table froide de son cabinet, a vomi –il n’y a pas d’autres terme– son point de vue sur le sujet. Et si vous vous posez d’emblée une question fondamentale, à savoir pourquoi, et comment, demander son avis sur le viol à un gynécologue, sachez que vous n’êtes pas les seuls à vous la poser. Connaître le fonctionnement d’un utérus et l’emplacement d’un clitoris fait-il de cet homme «un expert en femmes»? Il faut croire que oui.
Selon ce médecin, le viol se justifie par le rejet de la femme de la structure familiale. «Elle dit que son corps lui appartient et veut échapper à toutes les règles morales, physiologiques, religieuses et sociales», s’insurge le gynécologue, visiblement outré.
«Lorsque nous perdons la famille et la société, le viol apparaît. Si vous voulez travailler sur cette question, "travaillez sur la femme" (sic), pour qu’elle accepte le mariage. Nous ne pouvons pas combattre le mariage en espérant que le viol cessera», estime enfin ce professionnel de la santé féminine, qui estime par conséquent que les hommes ne peuvent être que des êtres violents, animés par des pulsions qu'ils ne peuvent absolument pas contrôler.
In fine, voilà une théorie fumeuse de plus, qui implique qu'une femme qui a été violée ne peut accéder au statut de victime dans notre pays. Notons toutefois que cette fois-ci, une fois n’est pas coutume, on ne lui a pas reproché de s’être sapée comme une salope et d’avoir été traitée en tant que telle par un homme qui passait par là, et qui a cru bon de se servir comme si cette femme, un être humain, faut-il encore le rappeler, était un open bar.
On ne lui reproche pas non plus d’avoir causé le viol en sortant à la nuit tombée car c’est bien connu, la nuit appartient à celles qui se couchent (tôt, et en pyjama chaste).
Ce qu'on avance ici, c’est que les femmes qui se font violer sont des femmes émancipées, libérées, dial rasshoum, qui en voulant vivre leur vie en solo– bandes d’égoïstes– priveraient les hommes de sexe. Au Maroc, où il n'est permis de vivre sa sexualité que dans le cadre du mariage, que faire si le mariage n’a décidément plus la cote? Que faire pour que les hommes se soulagent quand ce qui leur permet de vider leurs bourses se refuse à eux? Et bien, c’est simple, on se sert. On chope cette sale égoïste qui refuse de faire don de son corps à un homme et on la force à donner, malgré elle, ce qu’elle est censée donner de bon cœur. Voilà, en somme, ce que nous a déclaré, toute honte bue, ce bon vieux docteur en gynécologie.
Sinon, le changement des lois, on en parle ou on continue de faire comme si on n’en avait vraiment pas besoin? Permettre aux Marocains de batifoler comme bon leur semble en tant qu’adultes responsables, consentants de préférence? Permettre aux «presque familles» mentionnées par Saâd-Eddine El Othmani dans son dernier discours de vivre au grand jour leurs amours? Permettre aux victimes de dénoncer leurs bourreaux en toute sécurité, plutôt que d’être tenues pour responsables pour des raisons obscures? Permettre aux enfants illégitimes de grandir dans leur famille et non dans un orphelinat ou dans la rue?
En attendant le changement des lois et le jour où on arrêtera de donner la parole à des imbéciles, une pensée pour la petite Ikram, violée jusqu’à l’hémorragie, par un quadragénaire qui devait aussi penser être dans son bon droit. Merci pour elle, cher docteur, pour toutes les autres, et pour tous les autres, car figurez vous, Doc’, que les garçons et les hommes aussi, se font violer. Alors on fait quoi? On autorise le mariage gay? Allez, chiche!