«It’s caftan season» écrivait il y a quelques jours sur son compte instagram Hillary Clinton, en partageant une photo souvenir sur laquelle elle porte un caftan bleu. L’ancienne secrétaire d’Etat américaine et ex-première dame à la Maison Blanche ne pensait pas si bien dire. Car de la West coast à Lagouira, la saison estivale épouse chaque année cette mode. Mais si le caftan version américaine s’apparente davantage à une gandoura qu’on porte sur un maillot de bain ou en guise de robe de cocktail dans une ambiance hippie-bobo-chic, le caftan marocain lui ne saurait faire dans cette légèreté tant les enjeux auxquels il est associé sont énormes.
De sa fabrication qui implique des dizaines d’artisans par tenue, chacun spécialisé dans un art, à son port, qui implique quant à lui un engagement pour la vie, le caftan n’est pas juste une question de mode, et encore moins une mode passagère. La pandémie nous a d’ailleurs permis de prendre la mesure de l’importance de cette tenue et du levier économique qu’elle représente au Maroc. Les créateurs marocains, les artisans, ont été mis à rude épreuve après plus d’un an et demi de traversée du désert. Pas de célébration, pas de caftan, pas de travail… Pour beaucoup d’entre eux, la pandémie a scellé le naufrage de leur business et un plongeon infernal dans la précarité.
L’allègement des restrictions sanitaires a pu enfin mettre un terme à cette morosité et la vie reprenant toujours le dessus, la saison des mariages pointe son nez timidement mais sûrement. Avec elle, comme un cœur qui se remet à battre après un arrêt cardiaque, les échoppes de vendeurs de tissus, les ateliers de couturières, les vendeurs de fils de soie, d'or, d'argent et autres pierreries à incruster, mais aussi les showrooms de créateurs... Tout ce beau monde se remet en mouvement. Ça compare, ça discute, ça calcule, ça marchande, ça rit, ça essaie, ça retouche, ça s’envisage… Le temps des célébrations est enfin revenu et cette légèreté associée au beau temps et aux vacances nous met du baume au cœur.
Bon, il va falloir tout de même faire avec quelques casse-têtes qui peuvent paraître insolubles, mais impossible n’est pas marocain. Comment organiser un mariage avec dîner qui se pose à table à 21 heures et un couvre-feu à 23 heures? Ce serait peut-être jouable si pour une fois, pour une fois seulement, les invités respectaient l’heure du carton d’invitation et ne commençaient pas à arriver à partir de 23 heures, avec un dîner qui par la force des choses se pose sur table à 1 heure du mat’… Mais ça, les mamans et les belles-mères n’y croient pas une seule seconde, alors comme on a l’habitude de le faire, on opte pour les plans B, afin d’échapper au couvre-feu et au mqaddem. La fête à la maison, ou chez un proche, ou chez un proche de proche qui aurait une maison suffisamment grande pour accueillir la foule d’invités…
Autre problématique de taille, le nombre de personnes que l’on va pouvoir inviter. Pas plus de cent personnes, et ça même en espace ouvert… Un véritable drame familial se joue actuellement dans de nombreuses familles marocaines. «Comment? Ne pas inviter Samira, la cousine de Fatima, la tante de Haj Mohammed, le père de Mehdi, le marié? Impossible!», «quoi? Ne pas inviter non plus les sept enfants, leurs conjoints respectifs et leurs enfants de la grande tante de maman, khalti Khaddouj?»... Actuellement, pour les familles en pleine préparation d’un mariage, l’heure est aux négociations, aux compromis, aux drames familiaux. Il va falloir faire montre de tout son talent dans l’art de la diplomatie, comprenez par là le swab, pour ne pas heurter les egos et les sensibilités de ceux qui ne seront pas de la party.
Vu d’ailleurs, cent personnes, c’est énorme, et à moins de faire partie des happy fews au compte en banque bien garni, un mariage bling-bling devant plusieurs centaines d’invités n’est pas à la portée de tous. Mais comme nous le disions plus haut, impossible n’est pas marocain, encore plus quand il s’agit d’en mettre plein la vue… Pour ça on est champions du monde et pour ça, on est prêts à tous les sacrifices, même à s’endetter à vie, comme cette bonne vieille cigale.